- Avant-propos : Le SEFPO et l'écart salarial entre les sexes
- Introduction : L'écart salarial entre les sexes est une réalité
- Les principes de l'équité salariale
- Une politique économique qui aggrave l'écart salarial
- Les salaires des femmes dans l'ère néolibérale
- Les mesures d'austérité frappent plus durement les femmes
- L'attaque sur l'équité salariale
- Conclusion : Combler l'écart salarial entre les sexes
- Bibliographie
Un mémoire du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario présenté au Comité directeur de la Stratégie pour l'équité salariale entre les sexes, ministère du Travail de l'Ontario.
Le 15 janvier 2016
Avant-propos : Le SEFPO et l'écart salarial entre les sexes
Le Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) représente quelque 130 000 employés de la Fonction publique de l'Ontario, dans les collèges des arts appliqués et de technologie, et dans une vingtaine de secteurs professionnels à travers l'ensemble du secteur parapublic, ainsi que pour des employeurs du secteur privé qui ont des contrats avec le gouvernement et ses agences. Deux tiers des membres du SEFPO sont des femmes.
Depuis sa fondation il y a 40 ans, le SEFPO représente les intérêts des membres non seulement à la table de négociation, mais également dans le domaine des politiques publiques en ce qui concerne la prestation de services publics et les questions de justice sociale. Les membres du SEFPO s'expriment à titre de fournisseurs de services publics de première ligne, mais également comme des gens qui vivent dans les communautés et qui veulent bâtir une province meilleure pour toutes et tous.
Le SEFPO se réjouit de présenter ce mémoire dans le cadre du processus de consultation du Comité directeur de la Stratégie pour l'équité salariale entre les sexes.
Syndicat des employés de la fonction publique de l'Ontario 100, chemin Lesmill, Toronto (Ontario) M3B 3P8
www.sefpo.org
Introduction : L'écart salarial entre les sexes est une réalité
L'écart salarial entre les femmes et les hommes n'est pas une théorie non fondée. C'est une réalité. En moyenne, les Ontariennes gagnent 31,5 pour cent de moins par année que les Ontariens et sont plus susceptibles d'occuper un emploi précaire que leurs homologues masculins.[1] Peu importe comment on les mesure – à l'année, à la semaine ou à l'heure – les gains médians des femmes sont considérablement plus faibles que ceux des hommes.[2] Cette disparité est encore plus grande chez les femmes racialisées, les femmes autochtones et les femmes handicapées.[3],[4] Et même si au cours des dernières années, les femmes ont été plus nombreuses à obtenir un diplôme d'études supérieures de premier et deuxième cycles, leur rémunération dans tous les secteurs, dans toutes les catégories professionnelles, et à tous les niveaux d'enseignement est inférieure à celle des hommes. [5]
Au cours des dernières décennies, il y a eu une réduction sensible de l'écart salarial entre les sexes en Ontario. Toutefois, cette tendance n'est généralement pas attribuable à une augmentation du salaire des femmes : elle est en grande partie attribuable à une diminution du salaire des hommes durant la crise économique qui a coûté des centaines de milliers d'emplois bien rémunérés dans le secteur de la fabrication en Ontario, un secteur historiquement dominé par les hommes.[6]
Trois caractéristiques de notre marché du travail contribuent à la disparité salariale, selon Pat Armstrong, une spécialiste de l'équité salariale :
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les femmes sont cantonnées à des professions et à des secteurs d'activités où il y a peu d'hommes (p. ex., l'enseignement, les soins infirmiers, le travail administratif et de bureau, les services, etc.);
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elles occupent des emplois moins bien payés que les hommes et leurs qualifications sont sous-évaluées;
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les salaires inférieurs des femmes reflètent une sous-évaluation systémique des emplois traditionnellement occupés par des femmes par rapport aux emplois traditionnellement occupés par les hommes.[7]
Selon Armstrong, ces caractéristiques se combinent pour créer une discrimination omniprésente et souvent cachée. La généralisation et la persistance de l'écart salarial indiquent clairement que les femmes, leurs capacités ou les pratiques de quelques employeurs ne sont pas les racines du problème. Bien qu'il existe des divergences dans la façon dont les femmes sont traitées par leurs employeurs, les femmes, en tant que groupe, font face à un ensemble de pratiques communes qui les désavantagent.
Certaines de ces pratiques sont les suivantes : une rémunération et des pratiques d'emploi fondées sur le sexe; l'absence de lois sur l’équité en matière d’emploi; le manque de formation et de soutien à l'emploi; l'absence de garderies abordables; et le manque d'accommodements pour les autres formes de soins.
Tout en étant conscients qu'une certaine discrimination systémique perdure depuis des siècles, on doit aussi se demander pourquoi plusieurs décennies de croissance économique n'ont pas contribué à éliminer, ou du moins à réduire, l'écart salarial entre les sexes à ce jour. Quelles sont les initiatives stratégiques qui ont contribué à réduire l'écart? Quelles sont celles qui n'ont pas fonctionné? Que pourrions-nous faire autrement?
Si notre objectif, en tant qu'Ontariennes et Ontariens, est d'éliminer l'écart salarial entre les sexes – un objectif que nous devons atteindre – et de bâtir une province plus juste et plus équitable pour toutes et tous, nous devons commencer par répondre à ces questions. L'écart salarial entre les sexes découle de pratiques en milieu de travail qui ont été mises en œuvre par les employeurs dans un cadre juridique conçu par les gouvernements dans un contexte social où persistent les préjugés sexistes. Une politique saine ancrée sur les principes d'équité défendus par les Ontariennes et Ontariens pourrait répondre à ces trois questions.
Les principes de l'équité salariale
La Stratégie pour l'équité salariale entre les sexes et son processus de consultation n'auraient pas vu le jour sans le travail dévoué de la Coalition pour l'équité salariale (Equal Pay Coalition), dont le SEFPO est fier de faire partie. C'est à la demande de la Coalition que la première ministre a mis en œuvre cette stratégie, et nous espérons qu'elle débouchera sur l'élaboration d'une stratégie durable qui permettra de combler l'écart salarial entre les sexes. Le « plan de 12 étapes de la Coalition pour combler l'écart salarial entre les sexes d'ici 2025 »[8] qui s'appuie beaucoup sur le travail de Mary Cornish[9], a le plein appui du SEFPO. Le plan en 12 étapes exhorte le gouvernement provincial à :
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faire de l'atteinte de l’équité salariale une priorité dans le cadre des droits de la personne;
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sensibiliser davantage grâce aux journées de l’équité salariale et à l'éducation;
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élaborer un « Plan pour combler l'écart salarial entre les sexes d'ici 2025 »;
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appliquer et renforcer les lois en matière d'équité salariale;
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mettre en œuvre la législation et les politiques sur l'équité en matière d'emploi;
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promouvoir l'accès à la négociation collective;
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augmenter le salaire minimum;
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procurer des services de garde abordables et accessibles;
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intégrer le respect de l'équité dans les lois et les politiques gouvernementales;
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intégrer le respect de l'équité dans les milieux du travail et les entreprises;
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mettre fin à la violence et au harcèlement à l'égard des femmes; et
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garantir un travail décent pour les femmes dans toutes les sphères de l'économie.
Dans les paragraphes suivants, on trouve le point de vue du SEFPO concernant certaines des étapes ci-dessus.
Une politique économique qui aggrave l'écart salarial
Pour comprendre la situation actuelle, il est utile de regarder un peu en arrière. Dans les décennies qui ont suivi la Crise de 1929 et la Deuxième Guerre mondiale, les gouvernements des démocraties développées ont mis en œuvre des politiques économiques qui ont stimulé la croissance économique et augmenter de façon significative le niveau de vie des populations.[10] Dans l'Ontario d'après-guerre, l'expansion des emplois d’un haut niveau de productivité dans le secteur manufacturier s'est traduite par une formidable croissance économique.
Grâce au syndicalisme, les travailleurs ont profité de cette envolée de la productivité en obtenant des salaires plus élevés et de meilleurs avantages sociaux. Grâce à des taux d'imposition progressifs des particuliers et des taux d'imposition élevés sur les bénéfices des sociétés, les gouvernements ont été en mesure d'effectuer des investissements majeurs dans les services publics et les infrastructures publiques. La croissance économique et le niveau de vie ont grimpé en flèche et les inégalités de revenus ont en général diminué.
Paradoxalement, cette réduction globale des inégalités de revenus n'a nullement permis d'améliorer les salaires des femmes par rapport à ceux des hommes. Néanmoins, cette tendance égalitaire, (relative aux revenus familiaux) qui a marqué la période d'après-guerre, « l'âge d'or », était fondée sur des politiques économiques qui étaient fondamentalement différentes de celles menées par nos gouvernements aujourd'hui.
Dans l'ensemble, la redistribution des revenus, fondée sur la théorie économique keynésienne, qui a marqué la période d'après-guerre, ne fut pas très bien accueillie par les élites du monde des affaires. En Amérique du Nord, le début des années 1970 avait commencé par l’émergence d’un mouvement qui s'est traduit par la formation de centaines de « groupes de réflexion conservateurs » durant les décennies suivantes, à l'instar de l'Institut Fraser, fondé en 1974 au Canada, qui fut l'un des premiers à voir le jour. Financés essentiellement par des entreprises, ces groupes ont influé tant sur la pensée universitaire que sur l'opinion publique en élaborant des arguments et des illusions qui mettaient de l'avant la réussite individuelle – et la cupidité – au détriment de la prospérité collective qui n'était plus une politique publique prioritaire.[11] Certaines des politiques mises de l’avant par ces groupes de pression sont les suivantes : dérégulation des marchés du travail grâce à des accords de libre-échange et élimination de la « soi-disant bureaucratie »; privatisation du secteur public; réductions importantes des taux de l'impôt des sociétés et impôt progressif sur le revenu, le tout financé par des compressions dans les services publics.
Ensemble, ces politiques – et d'autres conçues pour accroître le pouvoir des forces du marché sur les prises de décision économiques et politiques – sont connues comme le « néolibéralisme ».
Le néolibéralisme a réduit le pouvoir de négociation des travailleurs en Ontario, au Canada, et partout dans les démocraties développées. En mettant les travailleurs, syndiqués ou pas, en concurrence avec les travailleurs à moindre coût d'autres pays et d'autres secteurs, et en réduisant les salaires, les avantages sociaux, et la couverture des régimes de retraite pour tous, les accords de libre-échange et les privatisations se sont traduits par la suppression d'emplois dans les marchés du travail de ces pays et gouvernements.
En dépit de la doctrine économique néolibérale qui prétendait que la concurrence accrue des marchés permettrait de réduire la discrimination, l'intensification de la concurrence n'a pas eu pour effet de réduire l'écart salarial entre les sexes.
Pour les économistes néolibéraux, les taux de salaire sont basés sur la productivité de l'individu, qui est elle fondée sur les aptitudes et compétences de l'individu – son « capital humain ». Selon la théorie du capital humain, la discrimination fondée sur des raisons qui n'ont rien à voir avec la productivité – par exemple, sur le sexe – nuit aux employeurs qui font de la discrimination, parce qu'ils paient un prix plus élevé que nécessaire pour un travailleur donné ayant un niveau donné de productivité.
Ça c'est la théorie : en réalité, les employeurs qui se livrent à la discrimination payent moins les femmes, les personnes racialisées, autochtones et handicapées. Bien sûr, avec un marché libre et non réglementé, les employeurs maintiennent les anciens préjugés sociaux envers le sexe, la race, le handicap, ce qui ne fait qu'augmenter les disparités salariales.
Pour de nombreux travailleurs, le marché du travail n'est pas un endroit où les salaires sont déterminés par une concurrence saine des forces du marché ou par les compétences qu'ils apportent à leur milieu de travail. Il y a une explication toute simple : si la théorie du capital humain ne peut expliquer pourquoi les forces du marché permettent la discrimination salariale, c'est parce que les salaires ne sont pas réellement fixés par les forces du marché.
Selon Jamie Peck, professeur à l'Université de la Colombie-Britannique, « Pour bien comprendre les marchés du travail mondiaux, on doit tenir compte du rôle social de l'emploi et des moyens institutionnels qui le sous-tendent, ce qui implique une rupture fondamentale avec la doctrine [néolibérale]. » On ne peut comprendre « le marché du travail », ajoute Peck, que si on le considère comme « une structure sociétale qui oppose des forces rivales et qui est arbitrée par les pouvoirs politiques. » (Traduction libre)[12]
Les salaires, en d'autres mots, ne sont pas fixés par les lois de l'économie : ils sont fixés par des gens – des gens dont les antécédents, les stéréotypes et les préjugés affectent la manière dont ils perçoivent la valeur du travail d'autres personnes.
Les salaires des femmes dans l'ère néolibérale
De tous les changements économiques majeurs du siècle dernier, aucun n'a plus changé le secteur du travail dans les démocraties développées que l'arrivée massive des femmes sur le marché du travail. En 1911, les femmes représentaient seulement 13,4 pour cent de l'ensemble la main-d'œuvre rémunérée au Canada[13]. En décembre 2015, ce nombre était de 47,9 pour cent.[14]
L'augmentation du nombre de femmes occupant un emploi rémunéré n'a pas fait qu'accroître la main-d'œuvre existante; elle a changé cette main-d'œuvre. Alors que les femmes entraient sur le marché du travail, on leur proposait, dans la plupart des cas, des emplois différents de ceux occupés par les hommes. Des emplois avec moins d'heures de travail, un salaire inférieur et moins de sécurité. Pour nombre d'Ontariennes, c'est toujours le cas aujourd'hui.
Dans les milieux de travail et secteurs où les femmes ont réussi à réduire l'écart salarial entre les sexes, il y a en général une ou deux raisons principales : 1) la syndicalisation; et 2) les modifications législatives. Nulle part ailleurs, la combinaison de la syndicalisation et d'une loi en faveur de l'équité n'a eu autant d'incidence que sur le secteur le plus syndiqué et comptant le plus de femmes de tous les secteurs de l'économie de l'Ontario : le secteur public.
Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la syndicalisation, qui était en grande partie un phénomène du secteur privé, un secteur composé en majorité d'hommes, s'est répandue dans les usines, la foresterie, les mines et les usines d'un bout à l'autre de la province. Avec la croissance économique, la population ontarienne a demandé davantage de services de santé, d'éducation, ainsi que d'autres services publics. Le secteur public a continué de croître au même titre, bien sûr, que le nombre d'emplois dans plusieurs professions traditionnellement féminines comme dans l'administration publique, l'éducation, les soins de santé et les services sociaux. Ces travailleuses du secteur public n'ont pas hésité à faire appel aux syndicats pour les représenter, et le taux de syndicalisation global des femmes en Ontario a fini par dépasser le taux de syndicalisation des hommes.[15]
Aujourd'hui, le secteur public de l'Ontario compte 62 pour cent de femmes et le taux de syndicalisation est de 71 pour cent. Par contre, le secteur privé de l'Ontario compte 47 pour cent de femmes et le taux de syndicalisation est de 14 pour cent. L'industrie du secteur privé qui emploie le plus grand nombre de femmes – les services financiers, les assurances et l'immobilier – compte 55 pour cent de femmes, mais le taux de syndicalisation est aussi bas que six pour cent. Une forte disparité si l'on compare avec les soins de santé et les services sociaux qui comptent 84 pour cent de femmes et un taux de syndicalisation de 47 pour cent.[16]
Il n'est donc pas surprenant que le secteur public de Ontario soit le secteur ayant le plus petit écart de rémunération entre les sexes au Canada.
Le taux de syndicalisation élevé est une explication. L'existence d'une législation pour lutter contre la discrimination salariale entre les femmes et les hommes – plus particulièrement la Loi sur l'équité salariale de l'Ontario – en est une autre.
Grâce à l'activisme efficace d'un puissant mouvement de femmes dans les années 1980, la Loi sur l'équité salariale a contribué à réduire l'écart salarial entre les sexes en Ontario. Mais obtenir l'équité salariale n'est pas une chose facile, car cela nécessite généralement d'avoir accès à des documents sur la paye des employés, des calculs complexes et de longues négociations. Nombre de travailleuses n'ont pas les ressources nécessaires pour obtenir seules l'équité salariale. C'est la raison pour laquelle la plupart de celles qui ont obtenu un rajustement de leur salaire après l'adoption de la Loi sur l'équité salariale étaient représentées par un syndicat.
En raison du taux élevé de syndicalisation dans le secteur public, la majorité des grandes réussites sur l'équité salariale de ces dernières années ont eu lieu dans le secteur public.
Sur ces deux fronts, le taux de syndicalisation et la capacité à atteindre l'équité salariale, le secteur public a été le secteur le plus efficace pour réduire l'écart salarial entre les sexes.
L'actuel gouvernement de l'Ontario s'est engagé à réduire l'écart salarial entre les sexes. Pourtant, malgré ses bonnes intentions, les seules actions significatives qui ont été prises par le gouvernement au cours des dernières années n'ont fait que creuser le fossé salarial entre les sexes.
Les mesures d'austérité frappent plus durement les femmes
Les conséquences du gel salarial
Depuis son apparition au début des années 1970, le néolibéralisme a engendré de profonds changements structurels sur les marchés du travail de la planète, et l'Ontario n'a pas échappé à ces changements. Néanmoins, la restructuration agressive de notre économie et de nos services publics a été ponctuée par des périodes d'un calme relatif. Durant les premières années du gouvernement libéral, élu pour la première fois en 2003, le Parti libéral de l'Ontario et le premier ministre McGuinty ont fait quelques efforts modestes pour réparer les dommages aux services publics causés par les précédents gouvernements conservateurs de Mike Harris et de son successeur, Ernie Eves. Tout cela a changé en 2008-2009 en raison de la « Grande récession ». Dans le budget qu’il a déposé au mois de mars 2010, le gouvernement de l'Ontario a instauré des gels de salaires qui, lorsqu'on tient compte de l'inflation, constituaient de véritables réductions salariales. Alors qu'il avait d'abord annoncé que cette période d'austérité ne durerait que deux ans, le gouvernement l'a prolongée. Pour certains employés de la fonction publique, ces attaques à leurs salaires durent depuis plus de cinq ans. Celles et ceux qui ont été touchés tout au long de la période de gel des salaires ont perdu 10,9 pour cent de pouvoir d'achat quand on tient compte de l'inflation.[17]
En attaquant directement les salaires des employés de la fonction publique, un groupe à prédominance féminine, le programme d'austérité du gouvernement a eu des conséquences importantes sur l'écart salarial entre les sexes en Ontario. Chaque année où les employées du secteur public voient leur niveau de vie érodé par l'inflation ou anéanti par la perte de leur emploi est une année au cours de laquelle le fossé salarial entre les sexes se creuse un peu plus encore dans la fonction publique.
En cette période d'austérité, de compressions dans les services publics, de coupures d'emplois et de salaires, l'infrastructure publique est le seul domaine dans lequel le gouvernement actuel investit davantage. Le gouvernement s'est engagé à dépenser 130 milliards de dollars dans de nouvelles routes, le transport en commun, les écoles, les hôpitaux et les palais de justice au cours des dix prochaines années. Ces dépenses dans les infrastructures sont, sans aucun doute, une façon de créer des emplois, y compris de nombreux emplois bien rémunérés, mais la plupart seront créés dans le secteur de la construction – un secteur où 88 pour cent des 325 000 travailleurs sont des hommes.
L'attaque sur l'équité salariale
L'équité salariale, que l'on décrit aussi comme le droit de recevoir un « salaire égal pour un travail équivalent » est fondée sur des comparaisons telles que la comparaison des salaires des personnes qui occupent un poste d’une catégorie d’emplois à prédominance féminine aux salaires des personnes qui occupent un poste d’une catégorie d’emplois à prédominance masculine. On fait souvent des comparaisons au sein de la même organisation, mais dans de nombreux cas, ce n'est pas possible. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, la main-d'œuvre dans les services sociaux et les soins de santé en Ontario est composée de femmes à 82 pour cent. Dans ces secteurs, les postes d’une catégorie d’emplois à prédominance masculine n'existent pas forcément au sein d'une organisation. Lorsque cela se produit, la Loi sur l'équité salariale permet de recourir à la « méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur ».
Pour de nombreuses organisations, atteindre l'équité salariale est tout simplement impossible sans la méthode de comparaison avec les organisations de l’extérieur. En 1996, le gouvernement conservateur du premier ministre Mike Harris a porté un coup dur aux dizaines de milliers de travailleuses de l'Ontario, lorsqu'il a modifié la Loi sur l'équité salariale pour abroger la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur et le financement de l'équité salariale pour les employeurs financés par la province.
En 2001, face à cette attaque du gouvernement contre l'équité salariale, cinq syndicats et quatre femmes ont lancé une contestation judiciaire en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Le SEFPO faisait partie de ce groupe de syndicats, avec le Syndicat canadien de la fonction publique, l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario, l'Union internationale des employés de service, et le Syndicat des métallos; parmi les requérantes, il y avait une travailleuse de garderie, une infirmière autorisée, une aide-soignante et une travailleuse des services de développement – précisément le type de travailleuses qui dépendent de la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur pour atteindre l'équité salariale.
Les syndicats et les travailleuses ont gagné leur cause. Un règlement historique a été conclu avec le gouvernement de l'Ontario, qui a rétabli la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur en vertu de la Loi sur l'équité salariale.
Mais ce changement tant attendu n'a pas résolu le problème de l'équité salariale. Dans le cadre de son programme d'austérité, le gouvernement actuel a suspendu le financement des paiements de transfert pour l'équité salariale pour les employeurs financés par la province.
Cette mesure a eu un impact profond sur les espoirs de nombreuses membres du SEFPO qui espéraient atteindre l'équité salariale un jour. Le SEFPO représente plus de 180 lieux de travail qui ont des plans de rajustement de l'équité salariale fondés sur la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur, qui concernent des centaines de catégories d'emplois à prédominance féminine et des milliers de membres.
Pour ces travailleuses, l'équité salariale est maintenant dans une impasse. Dans l'état actuel des choses, la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur aux fins de l’équité salariale ne comporte pas de date d'échéance; au rythme actuel, de nombreuses membres du SEFPO n'atteindront pas le taux de rémunération requis aux fins de l'équité salariale avant leur départ à la retraite. C'est injuste pour elles, et chaque jour qui passe, élargit un peu plus l'écart salarial entre les sexes. Depuis plusieurs années, de nombreux employeurs des membres du SEFPO n'ont toujours pas respecté leurs obligations aux fins de l'équité salariale – des obligations qui sont pourtant requises par la loi.
Conclusion : Combler l'écart salarial entre les sexes
Si le gouvernement de l'Ontario a vraiment l'intention de combler l'écart salarial entre les sexes, il n'y a pas de meilleur endroit pour commencer que dans les lieux de travail qu'il finance. Dans l'ensemble du secteur public, les femmes ont vu leurs salaires réels baisser – souvent pendant plusieurs années à la suite – et nombre d'entre elles n'ont même pas reçu les rajustements aux fins de l'équité salariale auxquels elles ont droit aux termes de la loi. En conséquence, le SEFPO fait deux recommandations au gouvernement pour réduire l'écart salarial entre les sexes :
- Cesser d'attaquer les salaires du secteur public. L'Ontario dépense moins par personne dans ses programmes des services publics que toute autre province au Canada, une réalité dont le gouvernement semble être étrangement fier. On ne peut pas continuer ainsi. L'austérité, qui asphyxie les services publics et creuse l'écart salarial entre les sexes, doit cesser sur-le-champ.
- Rétablir le plein financement aux fins de l’équité salariale pour les employeurs qui utilisent la méthode de comparaison avec des organisations de l’extérieur. L'équité salariale n'est pas un salaire que l'on négocie, mais une obligation en vertu des droits de la personne. Le gouvernement est censé garantir le respect des droits de la personne. Le respect des droits de la personne est essentiel à la santé de notre démocratie, et pour réellement atteindre l'objectif visé, la Stratégie pour l'équité salariale entre les sexes devrait être considérée comme une obligation au titre des droits de la personne.
Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, le SEFPO soutient pleinement le plan en 12 étapes de la Coalition pour l'équité salariale. L'écart de rémunération entre les sexes est un problème systémique dont plusieurs causes sont liées les unes aux autres, et pour le résoudre, on devra adopter une approche systémique et multidimensionnelle. Pour atteindre l'objectif, toutefois, il faudra plus qu'une approche juridique. Pour paraphraser Jamie Peck (ci-dessus), le caractère social de l'écart salarial entre les sexes et les moyens institutionnels qui le perpétuent doivent être abordés simultanément.
L'Ontario s'est déjà attaqué avec succès à des défis de politiques publiques qui concernaient des pratiques culturelles. Le tabagisme continue de baisser grâce à des campagnes de sensibilisation et d'éducation du public qui ont été mises en œuvre il y a plusieurs décennies et qui ont été appuyées par des modifications législatives et des mécanismes de financement. Pour éliminer l'écart salarial entre les sexes, on devra prendre le même type d'engagement.
Si le gouvernement souhaite réellement combler l'écart salarial entre les sexes, il doit simplement se donner les moyens d'y arriver. Nous venons de voir comment.
Pour plus d'information sur le plan du SEFPO pour combler l'écart salarial entre les sexes, veuillez communiquer avec Ann Wallace, négociatrice principale (équité salariale), à [email protected].
Bibliographie
[1] Statistique Canada. CANSIM, Tableau 202-0102 : Gains moyens des femmes et des hommes, et ratio des gains des femmes par rapport à ceux des hommes, selon le régime du travail, dollars constants de 2011, annuel.
[2] En décembre 2015, le salaire horaire moyen des femmes en Ontario était 15,6 % inférieur à celui des hommes; le salaire hebdomadaire moyen des femmes était 12,3 % inférieur à celui des hommes.
Statistique Canada. CANSIM, Tableau 282-0073 : Enquête sur la population active (EPA), estimations du salaire des employés selon la permanence de l'emploi, la couverture syndicale, le sexe et le groupe d'âge, non désaisonnalisées, mensuel (dollars courants sauf indication contraire).
[3] Block, Sheila et Galabuzi, Grace Edward (2011). « Canada’s Colour Coded Labour Market: The gap for racialized workers. » Toronto : Wellesley Institute and Ottawa: Centre canadien de politiques alternatives.
[4] Lewchuk et al., Poverty and Employment Precarity in Southern Ontario research group (2015). « The precarity penalty: the impact of employment precarity on households, individuals and communities – and what to do about it. » Hamilton : Université McMaster et Toronto : Centraide de Toronto.
[5] Statistique Canada (2011). Femmes au Canada : Rapport statistique fondé sur le sexe, Ottawa, édition 2010-2011.
[6] Drolet, Marie (2011). « Pourquoi l'écart salarial entre les hommes et les femmes a-t-il diminué? » Statistique Canada, L'emploi et le revenu en perspective, printemps.
[7] Armstrong, Pat (2008). « Equal Pay For Work of Equal Value. » Rapport d'expert préparé pour la Commission canadienne des droits de la personne, Ottawa, 2002. Serment de l'affaire judiciaire du SCFP et al c. le Procureur général (Ontario).
[8] Equal Pay Coalition (2015). « 12 Steps to Close the Gender Pay Gap by 2025. » Publication Web. Disponible à http://www.equalpaycoalition.org/wp-content/uploads/2015/10/12-Steps-To-….
[9] Cornish, Mary (2013). « 10 ways to close Ontario’s gender pay gap. » Toronto : Centre canadien de politiques alternatives.
[10] Piketty, Thomas (2014). Le Capital au XXIe siècle. Cambridge, MA: Harvard University Press.
[11] John Blundell, in Hayek, Friedrich A. (1999 (1945)), « The Reader’s Digest condensed version of the Road to Serfdom » (London: Institute of Economic Affairs). Disponible àhttp://www.iea.org.uk/sites/default/files/publications/files/upldbook43p…
[12] Peck, Jamie (1996). « Work-Place: The Social Regulation of Labor Markets. » New York: Guildford Press.
[13] Boutilier, Marie Ann (1977). « Ideology Surrounding Women’s Work in Canada, 1931-1956. » Open Access Dissertations and Theses, Paper 2075.
[14] Statistique Canada (2016). Enquête sur la population active.
[15] Galarneau, Diane et Sohn, Thao (2013). Les tendances à long terme de la syndicalisation. Ottawa : Statistique Canada, Regards sur la société canadienne.
[16] Statistique Canada. CANSIM, Tableau 282-0078 : Enquête sur la population active (EPA), estimations du salaire des employés selon la permanence de l'emploi, la couverture syndicale, le sexe et le groupe d'âge, non désaisonnalisées, mensuel (dollars courants sauf indication contraire).
[17] Statistique Canada. CANSIM, Tableau 326-0020 : Indice des prix à la consommation, mensuel (2002=100 sauf indication contraire).
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