Salles de conférence de Queen’s Park, Salle Trent, 900, rue Bay, Toronto
Le 18 septembre 2015 à 10 h (10 minutes)
Bonjour! Je m’appelle Warren (Smokey) Thomas et je suis le président du Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario. C’est un plaisir pour moi d’être ici.
Vous avez déjà entendu des douzaines de personnes vous présenter toutes sortes d’idées sur la façon d’amender la Loi sur les relations de travail de l’Ontario et la Loi sur les normes d’emploi. Certaines de ces personnes sont des activistes au SEFPO. Je suis fier d’ajouter mes recommandations aux leurs au nom de nos 130 000 membres.
Vous avez sans doute entendu des points de vue contradictoires du mouvement syndical, mais je suis certain que dans l’ensemble, le consensus était large sur un grand nombre des questions abordées.
Tous les syndicats veulent voir la LRTO modifiée de façon telle à ce qu’elle soutienne activement les efforts d’organisation et de négociation collective des travailleurs. C’est la voie la plus sûre vers de meilleurs emplois et une meilleure qualité de vie pour les travailleurs et leurs familles.
Nous voulons voir le retour des accréditations par carte, comme nous l’avons vu dans le secteur de la construction. C’est la façon la plus sûre de limiter les tentatives de l’employeur d’influencer et d’intimider indûment les travailleurs qui souhaitent s’organiser.
Nous voulons que les travailleurs qui participent aux campagnes de syndicalisation soient mieux protégés. Par cela, je veux dire que
- Tous les employeurs devraient être tenus de montrer un motif valable pour discipliner ou licencier un travailleur, pas seulement pendant l’organisation mais aussi jusqu’au moment de la ratification de la première convention collective. Les employeurs ne seraient plus aussi enclins à licencier avant la signature d’un premier contrat des travailleurs qui sont chefs de file au sein d’un syndicat.
- Les employeurs devraient être sérieusement limités dans leur aptitude à interférer avec les campagnes de syndicalisation, et plus particulièrement pendant les votes. Les points de vue des employeurs sont toujours opposés à la syndicalisation et influencent toujours indûment une main-d’œuvre vulnérable.
- La Commission des relations de travail devrait bénéficier de pouvoirs de redressement provisoires pour protéger plus efficacement et plus concrètement les travailleurs qui participent à l’organisation et à la négociation.
Les syndicats veulent aussi pouvoir accéder directement et facilement à l’arbitrage obligatoire pour les premiers contrats. Un libellé comme celui que contient la Loi sur les relations de travail du Manitoba donnerait aux parties le temps nécessaire pour négocier sans refuser aux travailleurs le droit à une convention collective dans un délai raisonnable.
Nous voulons encourager les véritables négociations collectives en bannissant le recours aux briseurs de grève pendant les grèves et les lock-outs.
Nous voulons des droits du successeur pour les employés de fournisseurs de services contractuels de façon qu’ils conservent les droits prévus dans leur convention collective lorsqu’un nouvel entrepreneur leur prend leur travail. Actuellement, la loi n’a pas gardé le pas avec le roulement rapide des employeurs dans le secteur des contrats.
Nous voulons ces améliorations pour tous les travailleurs de l’Ontario, y compris ceux qui sont couverts par une loi autre que la LRTO, comme la Loi sur la négociation collective dans les collèges et la Loi sur la négociation collective des employés de la Couronne.
Toutes ces mesures aideraient les travailleurs à améliorer leurs conditions de travail. À cette époque de précarité d’emploi, il est plus important que jamais d’habiliter les travailleurs à collaborer par l’entremise de la négociation collective.
C’est pourquoi nous appuyons la modernisation du processus d’accréditation pour reconnaître que nous vivons à une époque de communications réseautées.
De nos jours, nous achetons en ligne, nous payons nos factures en ligne et nous nous rencontrons en ligne, mais lorsqu’il s’agit d’organisation, l’Internet disparaît.
Cela doit changer. Il est temps que la LRTO reconnaisse les cartes d’adhésion syndicale signées en ligne.
Les lieux de travail sont toujours plus fragmentés. Les travailleurs sont de plus en plus isolés et travaillent souvent moins d’heures et de plus courtes périodes pour un employeur donné. La signature en ligne des cartes d’adhésion permettrait aux travailleurs d’obtenir plus rapidement leur accréditation.
Nous savons que cela peut être fait d’une façon qui garantisse l’intégrité et la légitimité du processus.
Précarité dans le secteur public
Le cadre de référence de votre examen concerne le problème du travail précaire mais semble vouloir le considérer comme un phénomène du secteur privé. Ce n’est pas un phénomène du secteur privé. Les travailleurs du secteur public ne sont d’aucune façon à l’abri de la tendance vers une plus grande précarité.
Je n’ai que peu de temps ici, mais j’aimerais attirer votre attention sur la précarité des emplois dans le secteur public en Ontario et sur ce que nous pouvons faire à ce propos.
La modernisation des services publics en Ontario dans les années 1960 et 1970 fut accompagnée d’une augmentation rapide du nombre de syndicats du secteur public comme le SEFPO. L’heureux résultat fut un grand nombre de bons emplois au secteur public.
Notre taux élevé de syndicalisation a permis à de nombreux travailleurs du secteur public de maintenir une qualité de vie décente au fil du temps. Ce phénomène s’est avéré particulièrement important pour les femmes, lesquelles occupent cinq emplois sur huit dans le secteur public de la province.
Malheureusement, le marché du travail du secteur public créé à mes débuts dans le monde du travail a commencé à se dégrader peu de temps après.
Ça s’est fait de plusieurs façons :
- Dans les secteurs tels que les services aux personnes atteintes d’un handicap de développement et les services correctionnels, le travail a été téléchargé de la fonction publique vers des agences communautaires. Le gouvernement n’a pas exigé de ces agences qu’elles maintiennent les salaires et conditions de travail stipulés dans les conventions collectives de la fonction publique, et il ne le fait toujours pas. En fait, la réduction des coûts était à la base de ce téléchargement.
- Dans nos collèges communautaires, le succès du syndicat à maintenir la qualité de vie du personnel permanent à temps plein a encouragé les employeurs à noyer le milieu de travail de personnel non syndiqué, à temps partiel et mal payé. Dans certains cas, les professeurs à temps partiel des collèges se font payer un dixième du taux normal pour les cours ouvrant droit à crédits.
- Dans les hôpitaux et autres lieux de travail, des services comme la préparation des aliments, le nettoyage et les services de buanderie ont été confiés à des compagnies offrant à leurs employés des salaires plus bas et des conditions de travail inférieures.
Les syndicats ont eu un certain succès dans l’organisation de ces unités. Mais dans tous les cas, la négociation collective a dû reprendre depuis le début.
C’est tout particulièrement vrai en ce qui concerne les services confiés en sous-traitance. Chaque fois que l’entrepreneur change, l’unité doit être réorganisée et une nouvelle convention collective être négociée. Les travailleurs se trouvent ainsi continuellement dans les limbes et ne pourront sans doute jamais faire valoir leurs droits.
Lorsque les contrats changent, les milieux de travail changent, eux aussi. Les unités de négociation sont plus petites et il est plus difficile de s’en occuper. Et nous voyons désormais de plus en plus de milieux de travail avec une seule personne. C’est ce qui se passe avec les services aux personnes atteintes d’un handicap de développement.
La première étape de la transformation des services aux personnes atteintes d’un handicap de développement fut la « désinstitutionnalisation », qui a vu de nombreux lieux de travail se désintégrer pour être remplacés par des douzaines de lieux de travail plus petits.
Et maintenant, nous observons l’étape suivante, le financement individualisé. Au lieu de financer les services publics, le « Programme Passeport », comme il a été appelé, fournit des fonds directement aux familles pour prendre soin du ou des parents malades comme elles l’entendent.
Et ceci inclut d’embaucher des préposés aux services de soutien à la personne. Les directives du programme disent aux familles que (je cite) : « Il incombe aux bénéficiaires du programme Passeport de comprendre et de respecter les obligations juridiques et financières associées à l’embauche de préposés aux services de soutien. »
Ça implique que les familles assument la responsabilité de verser les retenues obligatoires comme celles du RPC, de l’assurance-emploi et de l’impôt sur le revenu.
C’est absurde. Ça ne se fera jamais. Ce qui va se passer, c’est la création d’une main-d’œuvre invisible financée par le gouvernement, impossible à organiser en raison de son invisibilité.
De tels emplois existent déjà aujourd’hui. Les employeurs se soustraient déjà à leurs obligations. Et ils le font avec les deniers du contribuable.
Ceci met en lumière deux choses importantes à prendre en compte dans votre examen.
La première, la désintégration du milieu de travail traditionnel par la sous-traitance, le téléchargement et la privatisation contribuent à l’augmentation du nombre d’unités de travail plus petites et isolées, où le contrôle de l’employeur est absolu et l’action collective est, de manière réaliste, impossible à réaliser.
La deuxième, le gouvernement lui-même est un des principaux responsables de la précarité des emplois.
Stratégies sectorielles
Pour ce qui est de ce qui précède, je pense qu’il est clair que dans de nombreux secteurs, si ce n’est dans tous les secteurs, le besoin est urgent de créer une certaine structure de négociation sectorielle, qui permet à tous les employés de bénéficier de la négociation collective.
Nous privilégions les ententes sectorielles qui permettent d’établir certaines normes de base pour tous les employés dans un secteur, négociées entre des conseils d’employeurs et des conseils de syndicats dans le secteur. Essentiellement, cela pourrait ressembler au système à décrets qu’utilise le Québec.
Dans le secteur public, où les deniers publics sont en cause, le conseil des employeurs inclurait bien sûr une représentation gouvernementale et serait dirigé par le gouvernement.
Nous estimons que vos recommandations devraient inclure de demander au ministre du Travail de développer un cadre législatif avec la pleine participation des représentants des travailleurs et des employeurs.
Le gouvernement comme un des principaux responsables de la précarité des emplois
J’aimerais maintenant parler du fait que le gouvernement est un des responsables de la précarité des emplois.
On parle souvent des forces du marché qui ont rendu nos lieux de travail moins accueillants pour les travailleurs comme de forces de la nature, contre lesquelles nous ne pouvons rien. Mais ce n’est pas ça.
Le libre-échange, la privatisation des services publics et les attaques contre les droits syndicaux et les normes d’emploi sont tous des politiques du gouvernement qui ont établi le fonctionnement des marchés du travail dans ce pays.
Les réductions d’impôt et le sous-financement des services publics sont aussi des politiques du gouvernement. Elles fonctionnent en tandem pour augmenter la précarité des emplois à tous les niveaux et dans chaque agence du gouvernement.
Si votre Examen portant sur l’évolution des milieux de travail parvient à obliger notre gouvernement à reconnaître son rôle dans la création d’emplois précaires et à comprendre qu’il a le pouvoir d’améliorer les emplois en améliorant son propre comportement, vous aurez alors accompli quelque chose d’important.
Je vous remercie de votre temps.