Le 22 juillet dernier, Kelly Raymond, directrice générale de la Société de l’aide à l’enfance d’Ottawa (SAEO), et Deborah Tunis, présidente de son Conseil d’administration, ont publié une lettre contenant des réflexions de choix sur l’état du secteur de la protection de l’enfance et des commentaires implicites sur la grève en cours des employées de l’agence.
Nous ne négocions pas dans les médias. Nous négocions à la table. Mais il est important que ce que l’une ou l’autre des parties dévoile publiquement repose sur des faits. Tout en soulignant à quel point les travailleuses de la SAEO sont importantes dans le travail de l’aide à l’enfance, Kelly Raymond et Deborah Tunis ont vite fait d’insister pour dire que leurs dernières offres à la table étaient « raisonnables » compte tenu des « contraintes financières importantes » de leur agence. Le fait est que les déclarations de l’employeur aux médias ne reflètent pas les discussions à la table. Les chiffres sont trompeurs et les enjeux centraux sont mal représentés.
Lors de la dernière ronde de négociations, on avait promis aux travailleuses de déposer une offre salariale qui les aiderait à « rattraper leur retard », après trois ans de salaires plafonnés à une augmentation annuelle de seulement 1 %, conformément aux dispositions du projet de loi 124. Nous accusons un retard toujours plus important sur le plan du revenu, tandis que, comme ces dames Raymond et Tumis le reconnaissent, « on demande continuellement au personnel d’en faire plus avec moins de ressources ».
Compte tenu de cela, les parties avaient convenu d’une augmentation de 3,5 % pour 2023, sur papier. Nous savons que même les travailleurs les mieux payés n’ont vu que 700 $ de paie rétroactive tomber dans leur compte de banque depuis 2021. Tandis que Kelly Raymond et Deborah Tunis jouent avec les chiffres pour présenter publiquement le message d’une offre salariale gonflée, il est bon de savoir que cette entente a expiré le 31 décembre 2023.
Nous négocions désormais un nouveau contrat, et ce qui est sur la table pour cette ronde de négociation est une augmentation de 8,6 % sur trois ans, sans paie rétroactive pour les deux premiers mois de la convention, et avec des augmentations salariales qui ne s’appliquent qu’à certains mois de chaque année de l’entente (et pas à l’année complète!). En réalité, les travailleuses se voient offrir une augmentation totale d’à peine 7 %.
L’état désastreux du financement de la protection de l’enfance dont Mme Raymond et Mme Tunis nous parlent est indéniable. Ce qui est également vrai, c’est qu’au beau milieu de ces compressions budgétaires, Kelly Raymond a reçu une augmentation salariale de 8,3 % en 2023, portant son salaire à 237 698 $. En 2023, Wendy White, directrice de la SAEO, a, elle, reçu une augmentation salariale de 13 %, portant son salaire à 148 425 $, et Amy Bennett, directrice, Personnes et culture, a reçu une augmentation salariale de 16,4 %, portant son salaire annuel à 176 611 $. Et bien entendu, ces chiffres ne nous parlent pas des primes non divulguées.
Pour vous donner une meilleure idée de ce qui se passe, la directrice générale Kelly Raymond gagne plus de six fois plus que la travailleuse salariée la moins bien payée et près de trois fois plus que les travailleuses salariées de la protection de l’enfance de première ligne les mieux payées.
Les négociations sont actuellement au point mort sur un enjeu central : les mises à pied. Non seulement notre sécurité d’emploi est en jeu, mais la réduction des effectifs aura des conséquences dévastatrices sur la crise grandissante liée à notre charge de travail. Quand tant d’entre nous sommes sur le point de nous écrouler, comment peut-on encore nous demander de prendre le travail qui est redistribué? Nous voulons désespérément revenir au travail pour lequel nous avons été embauchées, mais nous voulons qu’on nous garantisse que ce ne sera la dernière fois pour aucune d’entre nous. S’il y a de l’argent pour remplir les poches des sphères supérieures de l’agence, alors il y a de l’argent pour mettre les enfants d’abord.
La Société de l’aide à l’enfance d’Ottawa aimerait vous faire croire que tout fonctionne comme d’habitude, mais nous savons que des jeunes qui essaient d’obtenir des services ne les reçoivent pas. Rien que l’année passée, un nombre record d’enfants et de jeunes un peu plus âgés sont tombés entre les mailles du filet en raison de ressources toujours plus limitées. Pas plus tard que cette semaine, cela nous a tout particulièrement brisé le cœur d’apprendre qu’un autre jeune recevant de l’aide de l’agence était décédé tragiquement. Nous ne pouvons pas nous permettre d’enflammer la crise et de mettre en péril la sécurité des enfants et des familles que nous soutenons en réduisant les effectifs. Les enfants ne sont pas en mesure de subir d’autres coupures, pas plus que nous le sommes.
– Michele Thorn, présidente, section locale 454 de l’OPSEU/SEFPO – représentant plus de 320 travailleurs de la Société de l’aide à l’enfance d’Ottawa actuellement en grève