Toronto (Ontario) – Dans une manifestation étonnante de mépris pour la véritable sécurité de la communauté, le gouvernement Ford annonçait hier la fermeture de dix sites de consommation supervisée en Ontario, des sites qui offrent des services essentiels, dont la prévention des surdoses, à Guelph, Kitchener, Hamilton, Thunder Bay et Toronto.
Tandis que les travailleurs de première ligne de ces piliers communautaires se battent pour obtenir plus d’information de la province en ce qui concerne les mises à pied potentielles, ce sont les dizaines de milliers de vies perdues à cause d’une épidémie d’empoisonnement par les drogues à l’échelle de la province qui sont à l’esprit. Cette décision brutale entraînera d’innombrables morts évitables.
L’annonce a été faite à Ottawa, au nom du gouvernement Ford, par la ministre Sylvia Jones à l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO), tirant parti de la nouvelle législature de zonage qui mènera à la fermeture de sites de consommation supervisée dans toute la province.
« Un approvisionnement sûr sauve des vies – cette décision entraînera d’innombrables décès évitables », a déclaré Kirsty Millwood, présidente de la section locale 5115 de l’OPSEU/SEFPO, une section locale polyvalente représentant les travailleurs du Centre de santé communautaire de Regent Park, un des sites nommés dans l’annonce. « Il est inconcevable de supprimer des services essentiels en pleine crise des soins de santé, une crise qui a déjà coûté la vie à plus de 45 000 personnes dans tout le pays ces dix dernières années, et à des milliers d’autres au cours de l’année écoulée seulement. »
« La fermeture des sites de consommation supervisée ne fera pas disparaître les drogues de nos communautés », a ajouté Mme Millwood. « Par contre, elle contribuera plus vraisemblablement à une consommation en solitaire et à un plus grand nombre de surdoses pendant cette épidémie toujours plus importante d’empoisonnement aux drogues illicites. »
Les fermetures annoncées interviennent seulement quelques mois après que 51 groupes communautaires – y compris les principaux organismes de réduction des risques, de soins de santé communautaires et de politique sur les drogues – aient demandé au gouvernement Ford de financer et soutenir immédiatement les services de consommation supervisée dans le contexte de l’aggravation de la crise des drogues illicites.
La décision prise hier d’annoncer conjointement la fermeture des sites de consommation supervisée et l’introduction des centres de traitement et de réhabilitation des sans-abri et des toxicomanes (HART) démontre l’incompréhension fondamentale de la nature du soutien offert dans les sites de consommation supervisée, que les travailleurs qualifient de « portail vers des soins de santé appropriés ».
« Ces « centres de traitement » représentent une tentative ratée de réinventer la roue – les sites dotés de services de consommation et de traitement intègrent déjà un soutien holistique pour les consommateurs de drogues, leur permettant de prendre une douche, d’être renvoyés à certains traitements, de recevoir du counseling et plus encore », a déclaré Tannice Fletcher-Stackhouse, infirmière praticienne et présidente de la section locale 744 de l’OPSEU/SEFPO, laquelle représente plus de 130 travailleurs de première ligne au Centre de santé communautaire NorWest de Thunder Bay. « Nous avons détourné des centaines de patients de salles d’urgence déjà surchargées, lesquelles ne sont pas équipées pour fournir les soins complets, sans préjugés et à plus long terme que nous offrons dans notre centre. »
Madame Fletcher-Stackhouse affirme que les employés de son centre de santé communautaire NorWest local – un autre site touché – qui ont choisi cette profession en raison de leur vécu, se préparent à l’impact, anticipant les décès qui tomberont entre les mains de la province.
« Ces nouvelles installations ne feront que fragmenter davantage les soins et rendre plus difficile pour les gens d’obtenir le soutien spécifique dont ils ont besoin, quand ils en ont besoin », a ajouté Mme Fletcher-Stackhouse. « Nos lits de désintoxication sont constamment pleins et tout à coup, nous allons avoir 19 nouveaux centres en exploitation d’ici mars 2025 qui pourront répondre aux besoins des utilisateurs de services? C’est une erreur qui coûtera cher à la province et qui se chiffrera en millions de dollars et en d’innombrables décès évitables. »
Une étude récente publiée plus tôt cette année a révélé une réduction substantielle de 67 % des décès par surdose dans les quartiers de Toronto situés à moins de 500 mètres de sites de consommation supervisée, après leur ouverture.
« Les travailleurs du domaine de la réduction des risques sont aux premières lignes de cette crise depuis des années – et nous avons pu constater directement que là où le gouvernement provincial n’a pas adopté de solutions durables, notre travail dans les sites de consommation supervisée a fait une différence importante », a déclaré Mme Millwood. « Il est indéfendable de voir la province arsenaliser le langage de la « sécurité publique », en ne tenant aucun compte des conclusions des experts en matière de réduction des risques, de politique antidrogue et de soins de santé, au moyen d’une directive politique aussi dangereuse. »
« Les centres communautaires qui veillent à la prévention des surdoses sur place sont qualifiés de problèmes de sécurité par les politiciens conservateurs; mais de la sécurité de qui parlons-nous vraiment? », a demandé JP Hornick, qui préside l’OPSEU/SEFPO. « Pensons-nous aux 7 444 vies épargnées grâce aux sites de consommation supervisée financés par la province depuis 2017? »
« On parle ici d’interventions empiriques qui ont prouvé leur capacité à sauver des vies », a ajouté JP Hornick. « Nous pleurons trop de vies pour prendre des décisions politiques qui ne tiennent pas compte de la science et qui ne font qu’ajouter des noms à la liste – et nulle part la fermeture des sites de consommation supervisée ne contribue-t-elle pas à allonger cette liste. »