Professionnels Hospitaliers bannière

Il faut intégrer les services de laboratoire dans les hôpitaux communautaires, selon Sara Labelle

Le vendredi 10 mai, Sara Labelle, présidente de la Division des professionnels hospitaliers du SEFPO, a fait une présentation devant le Comité permanent de l'Assemblée législative à Queen's Park sur le projet de loi 87, la Loi de 2017 sur la protection des patients. Les amendements proposés auront des répercussions importantes sur la prestation des services de laboratoire communautaire en Ontario, y compris l'introduction d'un système de soumissions concurrentielles.

Voici la transcription de la présentation intégrale de Sara Labelle :  

Les patients, pas les profits : renforcer nos laboratoires des hôpitaux communautaires en Ontario

Je vous remercie de bien vouloir écouter ma présentation aujourd’hui sur le projet de loi 87, soit la Loi de 2017 sur la protection des patients.  Je m’appelle Sara Labelle et je suis présidente de la Division des professionnels hospitaliers du SEFPO. Je suis aussi technologue de laboratoire médical de profession et je travaille au Centre de santé Lakeridge, à Oshawa.

Tandis que certains aspects du projet de loi valent la peine d’être examinés, je profite de l’occasion pour mettre l’accent sur deux amendements spécifiques apportés à la Loi autorisant des laboratoires médicaux et des centres de prélèvement, qui ont un impact sur la Loi sur l’assurance-santé et la Loi sur les hôpitaux publics, en élargissant le rôle des laboratoires des hôpitaux communautaires et en modifiant le modèle de financement des laboratoires communautaires (ou plutôt la façon dont le gouvernement paie les laboratoires privés (et le plus souvent à but lucratif) dans cette province.

Élargir la définition de « services de laboratoire communautaire » pour inclure les hôpitaux

Le projet de loi 87 permettrait aux hôpitaux communautaires de fournir des services de laboratoire aux personnes qui ne sont pas hospitalisées ainsi qu’à celles qui ne sont même pas des patients externes de l’hôpital (ces services étaient autrefois considérés comme des « services de laboratoire communautaire »). Le ministre peut désormais désigner les hôpitaux comme fournisseurs de services de laboratoire communautaire.

Les laboratoires des hôpitaux communautaires devraient être en mesure de fournir des services de laboratoire communautaire. En fait, notre argument ici aujourd’hui est que les hôpitaux communautaires devraient fournir tous les services de laboratoire. Toutefois, nous sommes inquiets.

Premièrement, nous sommes préoccupés par la pression croissante qu’exercera ce programme sur des hôpitaux communautaires déjà surchargés. Deuxièmement, nous sommes préoccupés par le fait que cet amendement mette l’accent sur les hôpitaux du nord et ruraux pour les mauvaises raisons. Nous reviendrons sur ce point dans un instant.

Et enfin, nous sommes inquiets parce que le gouvernement devrait faire en sorte de ramener tous les services de laboratoire sous les auspices du régime public d'assurance-maladie, comme le fait aujourd’hui l’Alberta.

Historiquement, les services de laboratoire étaient logés dans les hôpitaux communautaires. Les hôpitaux, après tout, sont des centres de soins de santé publics et à but non lucratif au sein de nos communautés. Nous avons tous besoin un jour ou l’autre des services qu’un hôpital procure et il est probable que nous ayons également besoin de services d’un laboratoire d'hôpital.

Les hôpitaux de l’Ontario sont à un point de rupture 

Comment nos laboratoires d’hôpitaux peuvent-ils assumer davantage de responsabilités lorsque les hôpitaux communautaires sont poussés au point de rupture? Nous avons subi neuf années de coupures profondes et dévastatrices au niveau des lits, services et personnel dans les hôpitaux.  Aucune autre juridiction n’a vu de telles compressions radicales dans les hôpitaux communautaires et, quel que soit le critère retenu, l’Ontario se place aujourd’hui au dernier rang des juridictions comparables en ce qui concerne le niveau des soins hospitaliers. Nos laboratoires d’hôpitaux ont été décimés.

Le dernier budget de l’Ontario ne va pas assez loin pour défaire les dommages qui ont été faits. Et nos laboratoires des hôpitaux communautaires ne peuvent pas, je répète, ne peuvent absolument pas accepter davantage de travail sans les fonds nécessaires pour le faire.

La fin de la rémunération à l'acte

Le deuxième problème dont je veux discuter ici aujourd’hui est le modèle de financement de la rémunération à l'acte.

La rémunération à l'acte est une méthode de paiement sérieusement déficiente. Elle bénéficie aux sociétés à but lucratif qui s’installe dans les zones urbaines où elles peuvent réaliser de gros volumes aisément et elle est préjudiciable pour les petites collectivités rurales et du nord de l’Ontario, où les services sont régionalisés pour rendre les volumes économiquement rentables.

Une élite restreinte a réussi à faire beaucoup d’argent avec ce modèle, aux dépens des Ontariens ordinaires. En fait, en Ontario, deux sociétés ont été autorisées à détenir 95 % du marché des laboratoires communautaires.

Tandis que nous pourrions nous réjouir que le gouvernement mette fin à la rémunération à l’acte pour se diriger vers un modèle de financement entièrement public, cela ne semble pas faire partie des objectifs du gouvernement ici.

Suite aux recommandations faites au gouvernement par un groupe de soi-disant experts en services de laboratoire en 2015, on s’éloigne peut-être du modèle de rémunération à l'acte, mais c’est sans doute pour ouvrir la porte à un modèle de soumissions concurrentielles (ou, dans leurs propres termes, « d’ententes de paiements de transfert »).

Tandis que nous ne sommes pas entièrement surpris de cette initiative, nous en sommes fortement déçus. Ce gouvernement doit comprendre que la privatisation et les fins lucratives n’ont pas leur place dans notre régime public d'assurance-maladie.

Mais pour en revenir à ce dont je parlais plus tôt, en ce qui concerne les communautés du nord et rurales, avec des populations moins nombreuses et de vastes superficies, le modèle de soumissions concurrentielles n’est pas un modèle idéal. Nous sommes préoccupés par le fait que l'amendement visant à permettre aux hôpitaux de reprendre les services de laboratoire communautaire ne soit pas mis en place pour les bonnes raisons. Au lieu de ça, nous craignons que ce soit une « soupape de sécurité » et que dans les régions où le processus d’appel d’offres échoue, ces services de laboratoire communautaire puissent être délégués aux hôpitaux communautaires locaux, qui sont les fournisseurs éprouvés des soins de santé publics.

Public… c’est mieux

Le processus de soumissions concurrentielles n’est pas la solution. La concurrence ne contribue pas à l’efficacité ou à la qualité des soins à meilleur marché.

Il suffit de se pencher sur la recherche faite par Ross Sutherland, expert et auteur de False Positive: Private profit in Canada’s medical laboratories. L’analyse la plus prudente nous dit que les laboratoires à but lucratif coûtent au système des soins de santé de l’Ontario au moins 25 pour cent de plus.

Pour en avoir pour notre argent, il suffit d’examiner les résultats d’un projet pilote réalisé en 2007 en Ontario dans lequel la société RPO Management Consultants avait établi que le coût moyen d’un test de laboratoire effectué dans un hôpital était de 22 $, comparativement au même test effectué dans un laboratoire à but lucratif au coût de 33 $.

Selon l’analyse de Monsieur Sutherland, le système des soins de santé de l’Ontario pourrait économiser entre 175 et 200 millions de dollars en réintégrant les services de laboratoire communautaire dans les hôpitaux.

Si le patient est effectivement la priorité du gouvernement, il est temps qu’il mette fin à l’écoulement des dollars publics dans les mains du privé, ainsi qu’au modèle de soumissions concurrentielles dans le secteur des laboratoires. Tous les services de laboratoire communautaire devraient être entièrement intégrés aux laboratoires de nos hôpitaux communautaires, lesquels sont des centres de santé à but non lucratif publics dans nos communautés. 

Pour lire la soumission du SEFPO sur le projet de loi 87 (en anglais), cliquez ici