SEFPO En Solidarite

En solidarité – bulletin d’information à l'intention des délégués et activistes du SEFPO – vol. 23, n°2 ~ printemps 2016

inSolidarity, Summer 2016
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Politique éditoriale

Le contenu et les rubriques de ce bulletin sont déterminés par le comité de la rédaction. Nous tenons à ce que les membres voient En solidarité comme leur bulletin d’information – un bulletin totalement indépendant de toute autre structure du syndicat.  Les articles sont rédigés par nos activistes, employés et d'autres personnes du mouvement syndical.

Les opinions exprimées n'engagent que son auteur et ne reflètent pas nécessairement l'opinion du SEFPO.

Nous acceptons avec plaisir tous les commentaires, mais nous demandons qu'ils soient constructifs. L'article doit être signé par le membre et inclure le numéro de sa section locale et devrait contribuer de manière positive au développement du syndicat.

Bien que nous encouragions un débat constructif sur toutes les questions connexes, nous nous réservons le droit de modifier les propos diffamatoires, la longueur, la clarté des articles et de répondre à ceux qui refléteraient une mauvaise compréhension du syndicat et de ses politiques.

Les membres élus du comité de la rédaction de En solidarité sont :

Virginia Ridley – directrice de la rédaction, section locale 116
Lisa Bicum – directrice adjointe, section locale 125
Katie Sample – section locale 499
Craig Hadley – section locale 5109
Verne Saari – section locale 659

Ex membre d'office :

Felicia Fahey – Liaison du Conseil exécutif
Timothy Humphries – SEFPO Communications

Ont contribué à ce numéro :

Howard A. Doughty, section locale 560
Joe Grogan, retraité du SEFPO, Région 5

Veuillez envoyer votre courrier à : En solidarité, à l'attention de Virginie Ridley, SEFPO, 100, chemin Lesmill, Toronto (Ontario)  M3B 3P8. Par courriel à : insolidarity@opseu.org

Nous sommes également vos membres élus au comité des bulletins d'information du SEFPO. Si vous avez besoin d'aide, de conseils ou de renseignements pour vos bulletins d'information, veuillez communiquer avec l'un des membres du comité de la rédaction.

Le vrai prix

Katie Sample, En solidarité

Le vrai prix, un documentaire sur l'effondrement de l'immeuble Rana Plaza à Dhaka, au Bangladesh, en avril 2013, où 1137 travailleurs et travailleuses ont perdu la vie. (92 minutes)

Le vrai prix (The True Cost) est un documentaire qui lève le voile sur le monde du prêt-à-porter, tel qu'il existe actuellement, et sur l’histoire de l’industrie du textile. Il met en évidence les mauvaises conditions de travail, la question de la responsabilité sociale et les conséquences humaines de l’hyperconsommation et du prêt-à-jeter.

Une personne sur six dans le monde est employée dans l'industrie du textile. Ce documentaire met en avant les horribles injustices auxquelles ces travailleurs doivent faire face, du cultivateur de coton à l’ouvrière de l’atelier de confection. Il montre les répercussions négatives de cette industrie sur l'environnement. Il met en évidence le fait que ces usines textiles ne s’arrêtent pratiquement jamais de produire car elles doivent satisfaire les besoins illimités des consommateurs occidentaux qui veulent des vêtements bon marché.  Il révèle que le vrai prix de nos vêtements se traduit par des salaires de misère, des abus de pouvoir au niveau mondial et un mépris total des droits de la personne dans le domaine de la sécurité et de la santé, des abus qui coûtent la vie à un grand nombre de personnes.

Le documentaire montre de nombreuses ouvrières de l’industrie textile et des cultivateurs de coton dans le monde entier, mais se concentre aussi sur Shima Akhter, du Bangladesh, une jeune mère de famille, travailleuse d'usine et chef de file. Fondatrice et présidente du syndicat de l’usine où elle travaille, Mme Akhter raconte qu’elle et plusieurs de ses collègues activistes ont été enfermées dans un bureau, puis battues à coups de poing, de ciseaux et de chaises parce qu'elles avaient osé soumettre une liste de revendications aux gestionnaires.

Un témoignage poignant et terrifiant.

« Je ne veux pas que quiconque porte un vêtement tâché par notre sang », dit-elle en décrivant les conditions de travail et les luttes quotidiennes de ces travailleuses.

S’il choquera tous les militants syndicaux, Le vrai prix, en racontant les conditions de travail déplorables qui existent encore dans de nombreuses parties du monde, nous montre aussi les progrès que nous avons réalisés en termes de droits des travailleurs au Canada.

Le documentaire aurait gagné en efficacité à explorer d’autres domaines. S’il a le mérite de montrer les individus qui luttent contre une industrie néfaste et criminelle, il ne propose que peu de solutions pour connecter ces individus aux mouvements, organisations et alliés potentiels qui pourraient les aider – ceux qui sont conscients que cette industrie et, potentiellement, le capitalisme, ont besoin d'être réformés.

En définitive, Le vrai prix montre bien que nos habitudes de consommation ont un lien direct avec les processus de fabrication dans l’industrie du textile, mais ne propose que peu de solutions pour améliorer la situation.

Morgan, A. (réalisateur), et Ross, M., Siegle, L., Firth, L., Vittorio, V., Harvey, C. L., et Piety, L. (producteurs). (2015). The True Cost [Documentaire]

Quelques réflexions personnelles sur Cuba

Joe Grogan, membre retraité

J'étais à Cuba du 15 au 22 septembre 2015, dans la province de Holguin, et j'ai séjourné au Brisas Guardalavaca sur la côte nord de Cuba. J'ai choisi d'aller à Cuba en même temps que le Pape François par solidarité et afin de soutenir ses efforts en faveur du peuple cubain. Au cours de sa visite, le pape François s’est rendu dans la capitale, La Havane, et dans les villes de Holguin et de Santiago de Cuba. Dans chaque ville, il a célébré une messe qui a réuni des milliers de Cubains et tous les membres du gouvernement cubain, y compris, bien sûr, Raúl Castro.

Partout, le pontife argentin a été le bienvenu et accueilli par de sincères démonstrations d'affection et d'amour. Il ne fait aucun doute que cet enthousiasme était lié en partie au fait que le pape François est originaire d'Argentine et qu’il connaît très bien, en raison de sa propre expérience, les défis quotidiens auxquels fait face la population d'Amérique latine. À Holguin, plus de 100 000 Cubains de tous âges ont assisté à la messe, vêtus de blanc – un symbole de la joie dans la culture cubaine.

Après sa visite fructueuse à Cuba, le pape François a pris la direction des États-Unis. On peut voir un message important dans son choix et dans l'enchaînement des événements. À chaque endroit, il a essayé de bâtir des ponts et de souligner notre humanité commune. En ce qui me concerne, c'était une merveilleuse occasion d'être à Cuba pendant sa visite et de vivre ce moment historique.

La visite d’Obama à Cuba au printemps 2016 était certainement attendue et la bienvenue. Obama mérite d’être applaudi pour ses efforts visant à normaliser les relations entre les États-Unis et Cuba. De nombreuses personnes au Canada, et partout dans le monde, en particulier à Cuba, espèrent un avenir meilleur et une amélioration de la qualité de vie au fur et à mesure de la normalisation des relations. Obama n’a toutefois pas eu droit au même accueil que le pape François. Certes, il a été reçu avec courtoisie par le gouvernement cubain et tous les gens qu'il a pu voir et rencontrer.

Le discours d’Obama au peuple cubain a même été diffusé en direct et sans censure par la télévision cubaine – une évolution certaine qui mérite d’être mentionnée. À l’instar d'autres personnes, je regrette, cependant, qu'il n'ait pas profité de l'occasion pour présenter des excuses au peuple cubain pour les actes d'hostilité commis par les nombreux gouvernements américains contre Cuba et, bien sûr, contre le peuple cubain : le blocus économique de Cuba, qui avait été mis en place au début des années 1960, l’attaque de la baie des Cochons en 1961, l’envoi de bandes de mercenaires armés pour harceler la population cubaine, les survols du Cuba par des avions militaires américains, les attaques de propagande contre la révolution cubaine par le biais de la télévision et de Radio Marti en Floride (organisées et financées par des agences du gouvernement américain) et, bien sûr, l'occupation du territoire cubain à Guantanamo, où les Américains continuent d'exploiter une importante base militaire.

Bien que le peuple cubain ait accueilli favorablement la visite d'Obama, la grande majorité d’entre eux restent plus réalistes sur la possibilité de changements que certains commentateurs américains. Ces commentateurs, en particulier les analystes politiques de CNN, pensent à tort que le peuple cubain est prêt à sauter dans les bras de Washington à n’importe quel prix. S’il est souhaitable que ces deux pays continuent à se rapprocher, les Cubains ne veulent absolument pas revenir à la relation de dépendance, humiliante et destructrice, qui existait entre Cuba et les États-Unis avant 1959. Comme un journaliste cubain l’a dit après le départ d’Obama, et je paraphrase : « Ce n'est pas parce que nous vous écoutons avec courtoisie que nous approuvons ce que vous dites. »

Je suis revenu à Cuba du 17 au 24 mai 2016 et j'ai séjourné à l'hôtel Memories dans la province de Holguin. J'ai eu l'occasion de discuter avec des Cubains qui m’ont fait part de leurs sentiments sur la visite d'Obama et les perspectives d'améliorations des relations entre les deux pays. Nombre d’entre eux s’inquiètent de Donald Trump et des conséquences pour Cuba, et en réalité, pour le monde entier, si jamais il est élu président lors des prochaines élections américaines en novembre 2016.

Les membres du SEFPO ont démontré leur engagement en matière de solidarité internationale en apportant une aide humanitaire à Cuba. Chaque projet humanitaire et de solidarité internationale montre l’engagement de notre syndicat en matière de réforme sociale, contrairement à certains autres syndicats, qui sont véritablement des syndicats d'entreprise et qui ne s’impliquent que dans la négociation collective.

Le défi de notre syndicat : se connecter avec la génération Z

Lisa Bisum, En solidarité

En tant que professeure de rédaction au Collège Lambton, je suis toujours à la recherche de nouvelles idées comme sujet de rédaction pour mes étudiants. En raison de la différence d’âge qui ne cesse de s’accroître entre mes étudiants et moi-même, je m’efforce, au fil des ans, de trouver des sujets pertinents et de rester « branchée ». Aussi branchée que je puisse essayer de l’être, je suis bien consciente que chaque jour qui passe est en ma défaveur.

Dernièrement, j'ai eu l'idée d'utiliser des articles qui décrivent leur génération – la génération Y.  À mon grand désarroi, je me suis rendu compte que mes étudiants ne font pas partie de la génération Y, mais de la génération Z.

Je n’arrivais pas à le croire? La génération Z? De toute évidence, j’étais plus déconnectée que je ne l’aurais cru!

J'ai donc décidé d'en apprendre plus sur la génération Z, leurs hobbies, leurs intérêts, leurs besoins, etc. Après tout, je passe beaucoup de temps avec eux. Ajoutez à cette raison le fait que mes propres enfants appartiennent à la génération Z et vous comprendrez aisément ma curiosité.

Et bien voici ce que j’ai appris? J'ai été étonnée d'apprendre que tout n'est pas aussi sombre qu’on veut bien le dire. De nombreux membres de la génération baby-boom et de la génération X se plaignent de cette génération du millénaire, la génération Z : leur manière de s’habiller, leur dépendance à la technologie, etc. Je m'attendais à lire plus ou moins la même chose. Je m’attendais à lire que ces jeunes gens avancent dans la vie comme un train qui dévale une montagne sans freins, ni commandes.

J’ai été soulagée de voir que je me trompais sur toute la ligne. Dans un article intitulé : Get Ready for Generation Z, paru dans un numéro de 2014 du magazine Maclean’s, Anne Kingston conclu que les Z sont en réalité tout à fait l'inverse de ce que les gens en disent.

Anne Kingston écrit que selon les experts, les Z sont « éduqués, créatifs, solidaires et désireux de bâtir un monde meilleur ».

Elle parle également des résultats d’une étude effectuée par une firme publicitaire de New York, qui montrent que plus de la moitié des Z interrogés souhaitent occuper un emploi ayant un impact social. Dans la génération précédente, la génération Y, ils étaient seulement un peu plus de 25 pour cent à vouloir occuper un emploi ayant un impact social.

L'étude a également montré que de nombreux Z se considèrent comme des « entrepreneurs » qui veulent lancer leurs propres entreprises. Ils disent qu’ils ont l’esprit communautaire, qu’ils aiment faire du bénévolat et qu’ils sont prudents. Plus de la moitié ont déclaré qu'ils épargnent de l’argent, qu’ils ne sont pas dépensiers et qu’ils sont tolérants. Ils sont plus ouverts à la diversité : raciale, sexuelle et générationnelle. Ouah! La diversité générationnelle. Voilà une qualité dont les membres de mon groupe d'âge pourraient s’inspirer. Après tout, nous sommes souvent prompts à pointer du doigt les générations suivantes.

Bien qu’enthousiaste d’apprendre que mes classes soient composées d’un groupe de fonceurs, j'avais besoin de trouver les moyens de leur faire partager ces valeurs à l'intérieur de la salle de classe. C'est le défi que je dois relever chaque jour, chaque semestre, chaque année scolaire.

Si je dois réévaluer constamment les attentes de mes étudiants, je pense également que chacun d’entre nous doit examiner la situation dans son ensemble. Quand ils arriveront sur le marché du travail, de quoi ces jeunes auront-ils besoin? Comment pourrons-nous les inciter à s’impliquer dans le milieu de travail et dans les activités syndicales? Comment ferons-nous pour que l'activisme soit une de leur priorité? Quels sont les outils dont nous avons besoin pour atteindre ces objectifs? Devrions-nous abandonner nos vieilles méthodes et envisager des solutions novatrices? Devons-nous craindre le monde technologique dont ils dépendent – un monde dans lequel ils sont, de toute évidence, tellement à l'aise?

Voici une idée : embaucher un adolescent pour qu’il nous dise comment faire pour que les jeunes travailleurs aient une bonne opinion des syndicats. Ce n'est pas une blague? Dans cet article de Maclean’s, on indique également que Don Tapscott, l’auteur canadien de Growing Up Digital, (la Bible que l’on recommande à ceux et celles d'entre nous qui travaillent avec les enfants du millénaire), a recruté plusieurs adolescents dans son équipe numérique.

Quand je participe à des activités du SEFPO, je me retrouve en compagnie d’activistes d’âge moyen qui consacrent une bonne partie de leur temps au militantisme et mouvement syndical.

Peut-être que le moment de la révolution conceptuelle est arrivé? Peut-être avons-nous besoin d’intégrer quelques jeunes qui nous aideraient à se connecter avec les futurs et jeunes membres?

Soyons novateurs et organisons des activités syndicales avec les jeunes, les outils et les moyens électroniques de ce début du 21e siècle.

La danse du cercle

Verne Saari, En solidarité

Récemment, j'ai assisté, avec plusieurs autres membres du SEFPO, à la troisième retraite annuelle sur l’équité de la Région 6 à North Bay. Durant cette retraite, nous avons effectué la danse du cercle sous la direction et les conseils éclairés de notre consœur, Darlene Kaboni, qui est membre du Cercle des Autochtones. Bon travail Darlene!

La cérémonie, qui avait lieu dans le gymnase de l’École secondaire Nbisiing sur la réserve de la Première Nation de Nipissing, avait attiré des résidents de tous les âges. J’ai vécu un moment fort, exaltant, radieux et solennel. Les photos sont loin de restituer toute l’émotion ressentie par les participants lors de cet événement sacré.

La danse du cercle fut vraiment une expérience unique et émouvante. Je n'avais jamais été si près du tambour. Si près que tout mon corps vibrait au rythme du tambour. Si près que j’en avais des frissons et la chair de poule. C’était la première fois que j’avais réellement l’occasion de découvrir la culture du peuple Nishnawbe. Cette déclaration en elle-même semble inexcusable étant donné que je vis dans le nord de l'Ontario, sur les terres que des générations d'Autochtones ont habité pendant des milliers d'années. Cela montre surtout qu'il reste beaucoup à faire pour éduquer les non-Autochtones.

J’ai reçu une éducation classique. Au lieu de classique, je devrais probablement dire une éducation pour les  blancs et la classe moyenne. Une éducation où l'histoire et la culture des Autochtones tenaient bien peu de place. Durant le cours d'histoire à l'école publique, je me souviens qu’on nous avait enseigné que « les Autochtones étaient ici lorsque les “braves” explorateurs et conquérants sont arrivés; ils ont “négocié et signé des traités” avec les Autochtones. » Voilà tout ce qu’on m’a enseigné sur les Autochtones durant mon éducation à l'école publique anglaise.

Bien que les cours d'histoire moderne abordent aujourd’hui le sujet plus en profondeur, je pense qu’il nous reste encore des progrès à faire pour enseigner la véritable histoire.

Pour les jeunes hommes de la communauté, la danse du cercle est l’occasion de montrer leur talent de batteur et de chanteur tout en suivant des yeux le cercle des danseurs qui les entourent. Cette danse a également pour objectif de renforcer la solidarité communautaire et d’améliorer la communication. Cette Première Nation danse dans le sens des aiguilles d’une montre, mais d’autres Premières Nations dansent dans le sens inverse. De nombreuses autres cultures pratiquent cette danse, qui est aussi vieille que l'histoire de l'humanité, avec quelques variantes.

En observant les meilleurs danseurs et batteurs, les jeunes hommes et femmes se font face et se regardent avec intensité. De temps à autre, les femmes chantent également durant la cérémonie. L’ensemble des membres de la communauté et des invités peuvent participer à la danse. La race n'est pas un obstacle ici.

L'une des chansons que nous avons entendue avait été écrite il y a plus de 6 000 ans (la plus ancienne chanson que j'aie jamais entendue); certaines étaient plus récentes mais elles étaient toutes magnifiques. Je n'oublierai jamais cette soirée qui restera gravée dans ma mémoire pour toujours.

Ce qui est à toi est à moi : Contre les Uber et Airbnb de ce monde

Howard A. Doughty, section locale 560

En mai 2016, Uber a levé la somme de 3,5 milliards de dollars du fonds souverain de l'Arabie Saoudite – un joli montant pour ce qui est encore une entreprise en démarrage. Uber ne s’attaque pas seulement à l’industrie du taxi. Il s’agit d'une offensive plus vaste visant à détruire des industries traditionnelles et – à en croire ses partisans – à créer de nouvelles opportunités d'investissement.

Uber, Airbnb, TaskRabbit et d’autres entreprises « collaboratives » ont fait une entrée fracassante et fulgurante en Ontario. En février dernier, la Commission des services financiers de l'Ontario, qui réglemente les assurances dans la province, a validé une nouvelle police d'assurance pour les véhicules personnels qui transportent des passagers grâce à un service de covoiturage commercial comme Uber. Mississauga, Toronto et Ottawa ouvrent la porte à Uber, alors que London, Waterloo et Kingston se sentent contraintes de suivre le mouvement. À Queen's Park, Tim Hudak, l’ex-chef du Parti progressiste-conservateur, se porte à la défense d’Uber et demande sa légalisation dans l'ensemble de l'Ontario. La vague de l'avenir, selon lui.

Ce n’est pas l’avis de Tom Slee. Loin de croire les bailleurs de fonds d'Uber, Tom Slee voit d'énormes nuages noirs se profiler à l’horizon. Dans son livre intitulé, Ce qui est à toi est à moi, il admet qu’on peut facilement se laisser séduire et berner par cette soi-disant « économie du partage » – un terme à mettre entre guillemets.  On ne fait qu’opposer des petits prestataires et des consommateurs aux grandes entreprises : les clients économisent de l'argent et les prestataires occasionnels arrondissent leurs fins de mois. C'est une initiative « Kumbaya ». Quel mal y a-t-il à cela, me direz-vous.

Beaucoup, d’après Tom Slee. Il les accuse de fausses promesses et de pratiques abusives qui ébranlent déjà les industries du taxi et de l'hôtellerie et qui menacent directement certains secteurs de l'éducation, de la santé, des soins à domicile, du logement et des banques. Certains l’appellent l'« économie temporaire », tandis que d'autres parlent de « pur capitalisme ». En réalité cette « économie du partage » n'est qu'une façon pour des sociétés avides de profits d'éviter de payer les impôts municipaux et des sociétés, de réduire l’emploi dans les secteurs public et privé et de refuser de bons salaires et avantages sociaux aux travailleurs. Ces « entreprises du partage » n'ont pas d’employés, juste des « sous-traitants » à qui les règles en milieu de travail ne s'appliquent pas.

En Californie, Uber dépense plus qu'Apple et Facebook réunies pour exercer des pressions sur ceux qui veulent lui imposer une régulation. À New York, le maire Bill De Blasio, qui voulait limiter la croissance du nombre de voitures de transport avec chauffeur, a reculé face aux pressions exercées par son collègue démocrate, le gouverneur Eliot Spitzer. Ces entreprises, qui ont des activités à l'échelle mondiale, ne manquent pas de moyens financiers.

Dans son ouvrage, Ce qui est à toi est à moi, Tom Slee ne fait pas que dénoncer l’absence de formation et de licence des chauffeurs locaux d’Uber. Il examine des initiatives similaires dans le monde entier. Le micro-financement, par exemple, qui empiète sur le territoire des banques, qui ressemble plus à du prêt d’argent à des taux exorbitants qu’à du financement communautaire. La transformation des logements abordables pour en faire des logements pour touristes, qui contribue à l'embourgeoisement des centres villes. L’ouverture d’hôtels non réglementés dans des quartiers historiques, qui détruit ce qui a fait leur caractère attractif en premier lieu.

Présentée comme une transformation progressive – la prochaine étape après le remplacement du cheval par l’automobile – cette nouvelle industrie du transport a un côté bien sombre. Dans sa colonne du Toronto Star, Heather Mallick compare l'arrivée d’Uber dans les rues de Toronto à la prostitution – une manière dangereuse, selon elle, pour des gens qui courent après l'argent facile de compromettre la sécurité et l'intérêt du public. Elle n'est pas loin de la vérité.

Tom Slee, Ce qui est à toi est à moi : Contre les Uber et Airbnb de ce monde, Toronto : Between the Lines Press, 2016, 212 pages, ISBN 978-1-7711-3253-4.

Le plus équitable : Uber ou les entreprises de taxi?

Craig Hadley, En solidarité

Pour comparer la situation des chauffeurs d’Uber à celle des chauffeurs de taxi, on doit d’abord examiner les conditions de travail passées et actuelles, la relation employeur-travailleur et le secteur dans son ensemble.

La grande majorité des chauffeurs de taxi au Canada sont actuellement considérés comme des entrepreneurs indépendants, c’est-à-dire comme des travailleurs à la pige, des entrepreneurs ou des professionnels qui possèdent et exploitent un commerce. En raison de cette classification, ils n’ont pas les mêmes droits que les travailleurs réguliers, tels que les vacances ou les congés de maladie, la protection juridique ou la sécurité d'emploi aux termes de la Loi sur les normes d'emploi. Certains chauffeurs de taxi sont peut-être des travailleurs comme vous et moi, mais le chauffeur de taxi lambda travaille en moyenne six ou sept jours par semaine et souvent 12 à 14 heures par jour pour gagner sa vie.

Alors que l'industrie du taxi essaye aujourd'hui de rendre Uber responsable de ses difficultés, les conditions de travail déplorables des chauffeurs de taxi existent depuis des décennies et sont le résultat du nombre limité de permis de taxi. Un système qui est contrôlé par une poignée de riches détenteurs de permis, dont beaucoup ne travaillent même pas dans l'industrie du taxi. Certains chauffeurs louent leur permis plus de 1 500 $ par mois. Les détenteurs de permis profitent du travail de ces chauffeurs de taxi, dont nombre d’entre eux sont des néo-Canadiens dans l’impossibilité de trouver un emploi ailleurs. Avant l’arrivée soudaine d’Uber, les permis de taxi étaient considérés comme un bon investissement – un placement d’argent avec une grosse marge de profit.

Des responsables politiques (en raison des frais qui finissent dans les coffres publics), des banquiers et des riches propriétaires d'entreprises ont acheté des permis de taxi qui étaient vendus jusqu’à récemment comme n’importe quelle marchandise. Bien sûr le rêve de chaque chauffeur de taxi était de s'acheter son propre permis afin d’avoir un actif – un investissement pour l’avenir. Malheureusement, avec des permis qui valent entre 150 000 $ et 250 000 $, c'est un rêve que la plupart d’entre eux n’ont jamais réalisé.

Uber est assujettie aux mêmes principes relatifs au travail que l'industrie du taxi, mais ses chauffeurs sont des entrepreneurs indépendants qui ne sont pas soumis à la relation traditionnelle employeur/travailleur. Les chauffeurs, qui n’ont pas à louer ou à acheter de permis, paient une contribution moindre à la société mère, Uber. Résultat? Les chauffeurs d’Uber empochent un meilleur salaire que les chauffeurs de taxi. Bien que ce service de transport alternatif soit loin d’être parfait, il offre beaucoup plus d'espoir à des travailleurs prisonniers d’une industrie qui profite des personnes les plus vulnérables de notre société.

Taxi : le prix de la course en vaut bien la peine

Lisa Bisum, En solidarité

Lorsqu’on m’a demandé d’écrire un article sur Uber, de nombreux usagers se plaignaient des services offerts par l’entreprise. À l'époque, l'escroquerie du réveillon – ou de la flexibilité tarifaire –, révélée par des clients furieux d’avoir été littéralement pris en otages et forcés de payer des centaines de dollars pour une course relativement courte, faisait encore la une des médias. Puis il y a eu le cas Jason Dalton – un chauffeur d’Uber qui a abattu plusieurs personnes à Kalamazoo, au Michigan. En plus d’être seulement en colère, les clients étaient soudainement effrayés – à juste titre.

Pour autant que la concurrence puisse être considérée comme saine pour l'économie, il est temps de fermer cette industrie. Où que je regarde, je ne vois qu’une industrie qui contourne les règles et qui pousse les clients à mettre leur santé et sécurité entre les mains de francs-tireurs non-licenciés.

Uber prétend ne pas avoir de clients, seulement des utilisateurs. Les patrons d'Uber affirment que leur entreprise n'est pas une entreprise de transport, mais une « plate-forme technologique ». L'entreprise, disent-ils, ne transporte personne; elle fournit seulement une application. Uber n’en finit plus de trouver des échappatoires.

En faisant une simple recherche sur Internet avec les mots : «  Uber et problèmes », on tombe sur une longue litanie de mésaventures, toutes les plus abracadabrantes que les autres. Des histoires de clients effrayés, dévalisés par leur chauffeur, pris en otage et de clientes transportées dans des endroits éloignés, en autres mésaventures.

L’histoire la plus tragique est celle d’une jeune fille de San Francisco qui a été tuée par un chauffeur d’Uber. Comment ne pas dénoncer l’attitude d’Uber dans cette tragédie, qui a déclaré que le chauffeur avait commis son crime entre deux courses et que l’entreprise n’était pas, par conséquent, responsable. Ah oui, j’avais oublié qu’Uber vend une application, et non pas du transport. On veut vraiment nous faire prendre des vessies pour des lanternes!

Comme l’a écrit George Hobica, dans l’Huffington Post : « Uber a lancé une bonne application, mais lorsque vous appelez un chauffeur, c'est votre vie que vous mettez entre les mains de l’application. Le chauffeur est-il vraiment assuré comme il se doit? A-t-il souscrit une assurance responsabilité civile? A-t-il payé sa prime d’assurance? Hobica met en doute la vérification des permis, la responsabilité de l’entreprise s'il y a des blessés dans un accident, l’application des lois locales à l’égard d’Uber et la protection et la sécurité des passagers.

Ouah! Il y a beaucoup de choses à penser avant de monter dans une voiture d’Uber. En choisissant Uber, la plupart d'entre nous pensent peut-être faire une affaire et instiller un peu de concurrence dans l’industrie du transport.

Il y a des raisons qui expliquent le fonctionnement des compagnies de taxis : notamment le respect des règles qui a forcément un coût. On devrait donc y repenser à deux fois avant de vouloir économiser un dollar.

Les chauffeurs des entreprises de taxi ne déboursent pas des centaines de milliers de dollars pour obtenir leur permis de conduire spécial et leur licence de taxi juste pour avoir le plaisir de coller un document officiel sur le pare-brise.

Au-delà de sa capacité à contourner les permis, les assurances et la responsabilité des chauffeurs, Uber adopte aussi une position fondamentalement anti-syndicale.  Les syndicats qui représentent les chauffeurs dans l’industrie du transport, ici chez nous et partout dans le monde, sont indignés – et à juste titre.

Si vous êtes toujours convaincus qu’Uber est le modèle d'affaires de l’avenir, alors prenez une minute pour lire ces lignes en petits caractères qui figurent sur les contrats d’Uber : « Uber ne garantit pas la qualité, l'efficacité, la sécurité ou la capacité des tiers fournisseurs. Vous acceptez que l'ensemble des risques encourus par l'utilisation des services soit de votre seule et entière responsabilité. » [Traduction libre]

On est au moins averti à l’avance. En ce qui me concerne, je continuerai à utiliser les transports publics ou les entreprises de taxi.

Projet de loi C-16 : Homme? Femme? Humain!

Katie Sample, En solidarité

Un important projet de loi a été adopté en mai dernier à la Chambre des communes. Il s’agit du projet de loi C-16 qui modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne et interdit toute discrimination sur la base de l'identité de genre et de l'expression de genre. La loi protège tous les Canadiens contre la discrimination au travail, dans les services publics et privés, dans le domaine des soins de santé et contre les discours de haine et de propagande.

Ce projet de loi fédéral a été déposé le 17 mai 2016 pour marquer la Journée internationale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie.

Avec l'actualité et les discours qui proviennent des États-Unis, l'adoption de cette loi au Canada ne pouvait pas mieux tomber. Des États, tels que la Caroline du Sud et le Mississippi, ont déposé des lois similaires pour protéger les droits des transgenres. Je suis fière que le Canada ait posé un geste concret afin que les droits de la personne s’appliquent à tous les Canadiens.

En même temps, c'est aussi décourageant de savoir que l’on doive encore, de nos jours, adopter une loi pour protéger les personnes contre les préjugés ou la haine fondés sur l’identité ou l’expression de genre. Toutes les personnes devraient être traitées avec respect et dignité. Toute discrimination ne fait que diviser et affaiblir l’ensemble de la communauté. Il est naturel que les gens soient mal à l’aise quand qu'ils ne comprennent pas ou ne connaissent pas un sujet? Bien sûr! Mais il y a beaucoup de choses que la majorité des gens ne comprennent pas, mais acceptent pourtant sans sourciller (la loi de la gravité, par exemple.)

Les transgenres sont confrontés à plusieurs formes de discrimination : refus ou perte d’emploi, incapacité à accéder aux soins de santé ou à d’autres services et violence ordinaire, simplement en raison de leur identité ou expression de genre. La communauté transgenre a l'un des plus hauts taux de suicide et une grande partie de cette tragédie peut être attribuée à un manque de soutien et d’acceptation du reste de la société à leur égard.

Ce projet de loi ne changera pas les mentalités du jour au lendemain, mais il s’agit, malgré tout, d’un pas important dans la bonne direction pour protéger juridiquement les droits des transgenres. Une personne ayant une identité sexuelle différente de son sexe d'origine fait partie de la communauté humaine au même titre qu’une personne se définissant comme un homme ou une femme. Avec cette loi, nous venons de reconnaître les droits d'une personne qui a, simplement et librement, choisi d’être elle-même.

Qu’est-ce que l'économie du partage?

Craig Hadley, En solidarité

Si vous avez déjà utilisé, UberX, Lyft, Airbnb ou Handy, alors vous êtes familier avec cette économie parallèle, communément appelée l’« économie du partage ou économie collaborative. » Si cela ne vous dit rien, il s’agit de fournisseurs de services non traditionnels qui tirent parti des technologies des téléphones intelligents pour mettre en relation les vendeurs et les acheteurs. Ces entreprises ont très peu de frais généraux et offrent des prestations très économiques à leurs clients – d'où les cris à l’injustice des industries traditionnelles qui considèrent que c’est déloyal.

Quels sont les principaux acteurs?

Plusieurs dizaines de ces entreprises ont vu le jour ces dernières années, mais UberX et Lyft sont les deux entreprises de covoiturage qui concurrencent directement l'industrie du taxi. Le très populaire service Airbnb permet à des vendeurs de louer une chambre, une maison ou un logement à des particuliers qui cherchent à économiser de l'argent en évitant d’aller à l’hôtel. Handy met en relation les vendeurs avec les particuliers qui veulent acheter des services de nettoyage à domicile. Des dizaines de nouvelles entreprises arrivent sur le marché chaque jour.

Comment cela fonctionne-t-il?

La plateforme technologique procure le nom, le lieu de travail ou du service et le mode de paiement pour rémunérer une tâche ou un service rendu. Le travailleur ou le fournisseur de service gagne un revenu supplémentaire et l'entreprise empoche une commission pour le service rendu. Le particulier bénéficie d'un système convivial qui est moins cher que les services traditionnels tels que les taxis, les hôtels ou les entreprises de nettoyage à domicile. La qualité des services offerts par ces entreprises de l'économie du partage varient, mais elles utilisent toutes un système d'évaluation, de zéro à cinq étoiles, qui permet à la fois au vendeur et à l'acheteur d'évaluer la qualité du service. Si un chauffeur d’UberX est grossier ou dangereux, l'utilisateur peut lui donner une mauvaise note. En même temps un chauffeur qui a affaire à un client indiscipliné peut faire la même chose. Lorsqu'un chauffeur continue à avoir des notes en-deçà de la moyenne acceptable, UberX le licencie. Le client qui accumule des notes inacceptables est également pénalisé et retiré du service. Ce système d’évaluation tend à jumeler les bons chauffeurs avec les bons clients.

Pour résumer, l'ensemble de l'économie du partage fonctionne comme un système de l’ère moderne qui repose sur la technologie des téléphones intelligents et dont chaque service est régi par un système d'évaluation qui repose sur l'utilisateur du service.

Au mieux, ces entreprises offrent aux travailleurs des heures flexibles, peu ou pas de frais de lancement et une rémunération plus élevée. Dans les pires cas, elles procurent des conditions de travail déplorables et font fi du droit du travail provincial ou fédéral. En général, les travailleurs sont indépendants et ils n'ont donc pas droit aux congés de maladie, aux congés annuels ou à tout autre avantage en matière de droit du travail.

En 2014, l'économie du partage a brassé 14 milliards de dollars. On estime que ce nombre pourrait atteindre 335 milliards en 2025. Si ce marché de l'offre et de la demande ne parvient pas à offrir de meilleures conditions de travail, la récente décision du conseil municipal de Seattle autorisant les chauffeurs d’UberX à se syndiquer pourrait déclencher une syndicalisation de masse dans une industrie qui croyait, pourtant, contourner les organisations syndicales.

Collèges de l’Ontario : C’est toujours le statu quo?

Joe Grogan, membre retraité

À l’époque de leur création dans les années 1960, les collèges de l’Ontario étaient des institutions ayant pour vocation de procurer une éducation postsecondaire à des jeunes qui étaient exclus du système. Les collèges étaient considérés comme l’éducation de la deuxième chance, en particulier pour les étudiantes et étudiants issus de familles de la classe ouvrière, qui étaient jusque-là exclus du système d’enseignement postsecondaire ou abandonnés à leur sort.

En l’espace d’un demi-siècle, le réseau des collèges communautaires en Ontario a connu une réussite remarquable. Des milliers d'Ontariennes et Ontariens ont reçu une éducation collégiale qui a enrichi leur vie et qui leur a procuré de bonnes perspectives d'emploi. Remarquez que j'ai précisé « une éducation » – c’est-à-dire une éducation qui comprenait une formation, mais qui n’excluait pas totalement les cours et activités sur les sciences douces et sociales.

Est-ce que nous devons nous contenter du fait que la réussite de notre réseau collégial ait atteint ses limites et qu’un grand nombre de collèges offrent désormais des programmes de formation menant à des certificats, à des diplômes d’études supérieures et des crédits universitaires? Non, absolument pas!

Même s’ils ont un bilan général positif, nos collèges ont des faiblesses qui devraient être corrigées au plus vite. La grande majorité de leurs programmes, cours et activités répondent aux besoins des employeurs, aux intérêts du milieu des affaires et au statu quo voulu par les systèmes politiques et les forces du libéralisme économique. Le système collégial nous impose le statu quo.

Cela est évident quand on se penche sur les publications du Collège Humber servant à promouvoir ses programmes d’études postsecondaires et d'apprentissage continu. Où sont passés les cours et les activités sur la santé et la sécurité des travailleurs, l'histoire du travail, la négociation collective, les droits de la personne, les changements technologiques, le stress au travail, l'économie du travail et autres sujets connexes? Ils sont plutôt rares.

En vivant et travaillant dans une société qui voue un véritable culte au milieu des affaires, nombre d’entre nous peuvent penser que c'est l'ordre naturel des choses. Mais c’est une hypothèse inexacte. L'absence de cours et d’activités axés sur une société progressiste est un choix délibéré fait par nos responsables politiques à la demande des élites du milieu des affaires. À mon avis, cette main-mise du monde des affaires/politique ne fait que masquer la réalité de notre province et pays.

Plus que jamais, nous avons besoin d'équilibre dans l’éducation qui offerte dans notre réseau collégial. Nous avons besoin de davantage de cours qui réveillent les consciences et élèvent la conscience politique – pas de moins de cours. Nous avons besoin de cours qui contribuent à renforcer l’attitude citoyenne et la solidarité sociale, et non pas à réduire la liberté de penser des étudiantes et étudiants.

Certaines personnes me critiqueront en affirmant que l’ajout d’une formation en sociologie appliquée est largement suffisante. Bien au contraire. Une éducation plus progressiste contribuerait à consolider notre démocratie et à bâtir une démocratie qui répondrait mieux aux besoins de la majorité des personnes dont les impôts servent aussi à financer tous les paliers du système d’éducation. De plus, une plus grande équité dans les programmes d’études des collèges permettrait de rééquilibrer l’éducation actuelle qui penche dangereusement en faveur du milieu des affaires du Canada.

Grâce à de tels changements, on pourrait traiter de façon plus responsable les problèmes sociaux et économiques importants auxquels notre province et pays doivent faire face.

Quels problèmes? Ils sont nombreux et importants :

  • La déréglementation

  • Les compressions et la sous-traitance des services publics

  • Les emplois précaires

  • Le sexisme et racisme systémiques

  • La baisse des compétences engendrée par les technologies de l'information

  • Les ententes commerciales qui favorisent les puissants au détriment des plus vulnérables

  • Le sous-financement des soins de santé publics, où les profits ont pris le pas sur les soins

  • L'américanisation de l'enseignement public au Canada

  • L'application des valeurs et priorités du milieu des affaires au secteur public – nos services publics reflètent de plus en plus la culture du profit qui est la priorité du milieu des affaires

  • Les stages non rémunérés : une nouvelle forme d'exploitation qui vise les futurs diplômés des collèges en particulier.

On peut, malheureusement, continuer cette liste.

Celles et ceux qui doutent de la nécessité de faire un virage – et des solutions que je propose – devraient examiner de plus près les nombreux comités consultatifs des collèges et autres comités responsables des programmes d’études? Regardons de près les personnes qui siègent à ces comités. Quels sont leurs antécédents professionnels et quels intérêts servent-elles, même si c’est de manière involontaire?

Que dire des conseils d'administration des collèges ou conseils académiques des collèges? Il est vrai que ces organismes incluent souvent des représentants du personnel scolaire et du personnel de soutien. Ces membres considèrent-ils qu’ils représentent les besoins des travailleurs des collèges, de la communauté externe ou du syndicat du personnel? Ou se considèrent-ils comme des professionnels qui ont été cooptés par l'employeur parce qu’ils avaient le même point de vue? Comment le fonctionnement des conseils académiques peut-il encourager un point de vue critique? Comment faire pour que les personnes qui occupent les premières places du système consultatif des collèges puissent voir au-delà des paramètres actuels?

Je comprends bien que le syndicat qui représente le personnel scolaire et le personnel de soutien des collèges doive répondre en priorité aux nombreux enjeux quotidiens dans le milieu de travail. En tant que retraité du corps enseignant ayant travaillé au Collège Humber pendant 34 ans et dans une école secondaire (commerce et professionnel) pendant deux ans, je suis aujourd’hui convaincu que la culture du « C’est toujours le statu quo » qui caractérise le réseau collégial se traduit par moins de satisfaction au travail pour de nombreux employés des collèges. Le recours sans cesse croissant à des cours informatisés et en ligne menace non seulement la sécurité d'emploi, mais également la qualité de l’enseignement. Cela engendre inévitablement une dégradation de la qualité de l'enseignement et se traduit par des étudiants mal préparés pour relever les défis sociaux, économiques et du marché du travail.

Afin d’être prêts à affronter le monde actuel, les étudiantes et étudiants devraient acquérir non seulement la formation dont ils auront besoin pour s’adapter au marché du travail, mais aussi les compétences, les aptitudes et les connaissances dont ils auront besoin pour bâtir leur propre vie. Ces priorités, qui étaient les miennes lorsque j'enseignais au Collège Humber, sont encore essentielles aujourd'hui. Maintenir le statu quo ne sert qu’une certaine élite.

Joe Grogan, Cert. in Business (Université de Toronto,1967), Commercial-Vocational Secondary Teaching Cert. (College of Education/U of T-1969), B.A. (Université York, 1972), M.Ed. (OISE/Université de Toronto, 1981), Cert. in Labour Studies (Collège George Brown, 1989), ancien professeur au Collège Humber, 1969 à 2003, membre retraité, région 5 du SEFPO.

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