- Introduction
- « Ça NE se passe PAS ici »
- (Sous)financement gouvernemental : un manque d’investissement dans les services dont nous avons besoin
- La crise de la dotation dans le secteur public : un résultat direct du sous-financement gouvernemental
- La privatisation : donner des fonds publics à des intérêts privés
- Gaspillage des recettes : dépouiller nos services publics de financement
- Baisse des capacités financières, hausse des inégalités
- Conclusion
Introduction
Le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (OPSEU/SEFPO) représente plus de 180 000 travailleuses et travailleurs du secteur public d’un bout à l’autre de l’Ontario. Les membres de l’OPSEU/SEFPO travaillent pour la fonction publique de l’Ontario; dans les collèges, les universités et les écoles publiques de l’Ontario; les hôpitaux, les établissements de soins de longue durée, les services ambulanciers et les unités de santé publique; dans les services de développement, les centres de traitement des enfants, les services de santé mentale; les laboratoires, les services de sang; les magasins, les entrepôts et les bureaux de la LCBO; et bien d’autres services publics, qui sont les piliers de notre province.
Nos membres, et les personnes auxquelles ils procurent des services, sont touchés directement par les décisions budgétaires du gouvernement provincial.
L’élaboration d’un budget est en réalité une question de choix. Au nom des 180 000 membres de l’OPSEU/SEFPO, nous exhortons les responsables de l’élaboration du budget de l’Ontario 2025 à tenir compte des répercussions réelles de leurs décisions financières.
Les choix budgétaires passés du gouvernement n’ont été rien de moins qu’une mauvaise gestion financière, dont les répercussions se font sentir dans toutes les collectivités. Les services publics sur lesquels compte la population ontarienne sont chroniquement sous-financés et en sous-effectif. Par rapport aux autres provinces, l’Ontario continue d’être bon dernier en ce qui concerne les dépenses de programmes par habitant – une réalité inquiétante qui ne fait que nuire à la population ontarienne et à nos collectivités.
Le gouvernement se glorifie de ses investissements dans l’infrastructure – qui font la part belle aux relations avec les promoteurs et les sociétés et engendrent toujours plus d’immeubles détenus et exploités par des intérêts privés – et dégradent les conditions de vie et de travail de la population de l’Ontario.
Tout le monde sait qu’un lit d’hôpital sans personnel soignant, ça n’est rien d’autre que du mobilier. C’est la même chose pour tous nos services publics – dans nos collèges, dans les services de développement et d’aide à l’enfance, dans les services correctionnels, et dans tant d’autres secteurs, qui fonctionnent grâce au dévouement sans bornes de leur personnel.
« Ça NE se passe PAS ici »
Le gouvernement conservateur a récemment dépensé 8 millions de dollars pour ses publicités[1], avec le slogan : « Ça se passe ici, en Ontario », qui mettent en lumière un Ontario prospère « où plus de gens que jamais travaillent » et qui se terminent par la scène d’une famille qui s’installe dans une immense maison informatisée que la plupart des Ontariens ne peuvent pas s’offrir.
Ce qui se passe en Ontario est en réalité beaucoup moins rose : un enfant meurt tous les trois jours[2] en raison du système de soins sous-financé de l’Ontario; les banques alimentaires ne peuvent pas répondre à la demande puisque leur fréquentation a atteint son plus haut niveau en huit ans[3]; et le taux de chômage a augmenté pendant le mandat du gouvernement actuel. Plus de 595 600 personnes en Ontario étaient sans emploi en octobre 2024, soit 175 000 de plus que lorsque le gouvernement Ford a été élu pour la première fois en mars 2018.
L’année dernière a également été une année record pour les fermetures des urgences d’hôpitaux[4] en Ontario, ce qui réduit considérablement l’accès à des soins médicaux critiques en temps opportun à un moment où 2,5 millions de personnes n’ont pas de médecin de famille en Ontario.[5]
Dans son budget 2025, le gouvernement a l’occasion de changer de cap et de régler ces crises et bien d’autres en investissant dans les services publics dont les Ontariens ont besoin et dans les travailleurs qui les dispensent.
(Sous)financement gouvernemental : un manque d’investissement dans les services dont nous avons besoin
Les Ontariens se rendent compte que leurs services s’effondrent ou disparaissent, et il y a une raison : l’Ontario ne dépense pas assez pour nos services publics. En fait, nous avons les dépenses de programmes par habitant les plus faibles au pays. Selon un rapport 2024 du Bureau de la responsabilité financière, l’Ontario a dépensé 3 338 $ de moins par habitant en programmes que la moyenne des autres provinces en 2022-2023. C’est-à-dire que l’Ontario, dont la population atteint 16 millions d’Ontariennes et Ontariens, devrait dépenser plus de 50 milliards de dollars de plus en programmes pour être dans la moyenne.
Après des décennies de négligence, nous constatons que de nombreux services de la fonction publique et du secteur parapublic de l’Ontario ne continuent à fonctionner que grâce au dévouement et à la bonne volonté des travailleurs. Sans financement adéquat, ces services – et les personnes qui en ont besoin – souffrent.
La crise de la dotation dans le secteur public : un résultat direct du sous-financement gouvernemental
Tous les secteurs de la fonction publique de l’Ontario sont confrontés à une crise de recrutement et de maintien en poste du personnel. C’est une conséquence directe du sous-financement gouvernemental de ces services. Lorsqu’un ministère, ou un organisme qui dispense un service public, est sous-financé, il ne peut pas embaucher suffisamment de personnel pour répondre aux besoins. Et les besoins pour les soins de santé, l’éducation et d’autres services sociaux ne diminuent pas simplement parce que le gouvernement réduit le financement de ces services.
À cause de la pénurie drastique de personnel dans nos services publics, les membres de l’OPSEU/SEFPO sont aux prises avec des charges de travail intenables et des conditions de travail dangereuses, et forcés de travailler seuls ou avec trop peu de personnel pour faire face à des situations potentiellement volatiles. Cela conduit à des niveaux élevés d’épuisement professionnel, d’accidents du travail qui causent des blessures, voire des décès, ce qui exacerbe le cercle vicieux qui aggrave la pénurie de personnel dans les milieux de travail.
Le sous-financement du gouvernement entraîne également une stagnation des salaires qui ne suivent pas le coût de la vie, ce qui, parallèlement à la spirale infernale liée au manque de personnel et aux mauvaises conditions de travail, alimente également la crise du recrutement et de la rétention.
La privatisation : donner des fonds publics à des intérêts privés
Alors qu’il n’a pas de fonds disponibles pour les services essentiels de nos collectivités, le gouvernement provincial actuel semble avoir des fonds apparemment infinis pour financer des projets grandioses, qui contribuent à enrichir ses amis du monde des affaires.
Au lieu de recevoir les financements adéquats pour offrir les salaires et conditions de travail équitables qui leur permettraient de conserver leur personnel en pleine crise du système de santé, nos hôpitaux et foyers de soins de longue durée de l’Ontario ont dû dépenser plus d’un milliard de dollars pour faire appel à des agences privées de recrutement de personnel [6].
Le réaménagement de la Place de l’Ontario – qui se traduira par une réduction de l’espace récréatif pour le public, un nouveau spa géant et une aire de stationnement – coûtera plus de 2,24 milliards de dollars aux contribuables.
La dernière idée en matière d’infrastructure du premier ministre – un tunnel sous l’autoroute 401 – coûterait au moins 55 milliards de dollars[7], et sa construction causerait des années de chaos sur les routes de la plus grande ville du pays.
Et à la veille d’élections anticipées, attendues mais inutiles cette année, le gouvernement dépensera environ trois milliards de dollars pour envoyer des chèques de 200 $ à chaque Ontarienne et Ontarien dans le cadre d’un programme unique de « remise aux contribuables ».
Gaspillage des recettes : dépouiller nos services publics de financement
En plus de faire des dépenses de manière imprudente en mettant des fonds publics dans des poches privées, le gouvernement Ford a systématiquement réduit les recettes publiques, ce qui exacerbe le déficit de financement de nos services publics.
Depuis l’élection de ce gouvernement en 2018, le ministère des Finances de l’Ontario a apporté des dizaines de changements politiques pour réduire les impôts, les frais ou verser des crédits d’impôt. De manière cumulative, ces changements drainent actuellement plus de 7 milliards de dollars par année de la trésorerie provinciale.[8]
La LCBO, le joyau de la Couronne de l’Ontario, génère environ 2,5 milliards de dollars en recettes publiques qui servent à financer directement nos services publics et infrastructures. C’est pourtant une priorité de ce gouvernement de mettre ces recettes en danger. La marotte du premier ministre visant à accroître les ventes d’alcool dans les stations-service, les dépanneurs et davantage d’épiceries a déjà coûté cher à la population et menace les recettes futures. En même temps, il encourage une plus grande consommation d’alcool, un cancérogène connu qui a des conséquences néfastes pour la santé et la société.
L’an dernier, le gouvernement a dépensé 225 millions de dollars rien que pour déchirer l’entente-cadre avec le Beer Store – un gaspillage d’argent évident qu’il aurait pu éviter en attendant jusqu’à la fin de 2025. Le Bureau de la responsabilité financière[9] enquête à présent afin de savoir si cette expansion est dans le meilleur intérêt de la population ontarienne.
Baisse des capacités financières, hausse des inégalités
En définitive, tous les choix politiques et financiers décrits ci-dessus (et leurs répercussions) font de l’Ontario un endroit moins abordable et moins équitable pour y vivre.
Des services publics sains sont essentiels pour réduire les inégalités sociales et économiques – à la fois l’écart entre les plus pauvres et les plus riches et l’impact des discriminations fondées sur la race, le sexe, l’orientation sexuelle et les capacités physiques.
Correctement financés, les services publics sont accessibles à tous et contribuent ainsi à aplanir les inégalités entre tous les membres de la communauté. Devoir payer pour des services privés crée des obstacles à l’accès, désavantage les personnes à faible revenu et aggrave les inégalités.
Les services publics représentent également une grande partie de l’économie des soins, dont les effectifs sont majoritairement composés de personnel racialisé et de travailleuses. Le sous-financement chronique a entraîné une stagnation des salaires qui n’ont pas suivi la hausse du coût de la vie.
Entre-temps, l’écart de richesse entre les ménages de la tranche supérieure de 20 % de la répartition des revenus et ceux de la tranche inférieure de 40 % n’a jamais été aussi élevé depuis que Statistique Canada[10] a commencé à le suivre.
Conclusion
L’élaboration d’un budget est en réalité une question de choix. Avec le budget 2025, le gouvernement a l’occasion de changer de cap et de recentrer ses priorités pour améliorer la vie de toutes les personnes qui vivent dans la province. Cette année, le ministre des Finances peut choisir de financer adéquatement les services publics et d’apporter un soutien indispensable aux travailleuses et travailleurs de première ligne qui assurent la continuité de ces services.
[1] Crawley, Mike. « Ontario ad campaign ‘It’s Happening Here’ has cost taxpayers $8M ». CBC News. www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-government-advertising-campaign-its-happening-here-1.7152383
[2] Callan, Issac. « “The system has fallen apart”: A child dies every 3 days under Ontario’s care network ». Global News. globalnews.ca/news/10735101/ontario-child-care-system-deaths/
[3] D’Andrea, Aaron. « Ontario food banks ‘cannot keep up’ as usage reaches 8-year high. » Global News. globalnews.ca/news/10740211/ontario-food-bank-report/
[4] Ireton, Julie and Valerie Ouellet. « 2024 worst year for Ontario ER closures, CBC analysis finds ». CBC News. www.cbc.ca/news/canada/ottawa/data-analysis-er-closures-three-years-2024-worst-year-for-scheduled-closures-1.7396789
[5] Ireland, Nicole. “Number of Ontarians without family doctor reaches 2.5 million, college says”. CBC News. www.cbc.ca/news/canada/toronto/ontario-family-doctor-shortage-record-high-1.7261558
[6] Jones, Allison. « Agency staff cost Ontario hospitals, LTC homes nearly $1B in 2023. » CBC News. www.cbc.ca/news/canada/toronto/hospital-ltc-agency-staff-1.7154329
[7] Casaletto, Lucas and Richard Southern. « ‘$55 billion’: Expert pegs ballpark cost of Ford’s Hwy. 401 tunnel proposal. » CityNews. toronto.citynews.ca/2024/09/27/ontario-highway-401-tunnel-costs-doug-ford/
[8] Robinson, Randy. « Bleeding the patient: tracking five years of Ontario revenue reductions. » Canadian Centre for Policy Alternatives. www.policyalternatives.ca/news-research/bleeding-the-patient-tracking-five-years-of-ontario-revenue-reductions/
[9] CBC News. « FAO to look at cost of Ontario expanding alcohol sales early. » www.cbc.ca/news/canada/toronto/fao-researching-cost-alcohol-sales-expansion-ontario-1.7324909
[10]Statistique Canada. « Comptes économiques du secteur des ménages canadiens répartis selon le revenu, la consommation, l’épargne et le patrimoine, deuxième trimestre de 2024. » https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/241010/dq241010a-fra.htm