Les Seniors for Social Action Ontario (SSAO) mettent la Commission ontarienne des droits de la personne au défi de passer à l’action

Les Seniors for Social Action Ontario (SSAO) mettent la Commission ontarienne des droits de la personne au défi de passer à l’action

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Les Seniors for Social Action Ontario (SSAO) ont envoyé la lettre ouverte suivante à la commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne.  Ils lui demandent deux « choses » : que la Commission commente publiquement les répercussions du projet de loi 7 sur les droits de la personne et qu’elle lance une enquête publique sur l’institutionnalisation de masse injustifiable des personnes âgées et des personnes handicapées en raison de l’incapacité du gouvernement de l’Ontario à les accommoder raisonnablement en leur procurant des services de soutien à domicile, en milieu communautaire et en résidence.

La Commission a déjà refusé à deux reprises d’ouvrir une enquête publique conformément à la demande des Seniors for Social Action Ontario.  Et elle est restée muette, d’une part, en ce qui concerne la différence de traitement à l’égard des patients ayant besoin d’un autre niveau de soins (patients ANS) dans les hôpitaux par rapport au reste de la population hospitalière, et, d’autre part, en ce qui concerne la violation par le gouvernement de l’Ontario de leurs droits fondamentaux avec l’introduction du projet de loi 7.  En vertu du projet de loi 7, un patient ANS pourra être transféré sans son consentement dans le lit d’un établissement de soins de longue durée, selon la décision du coordonnateur de placement de l’hôpital.  Il permet également au coordonnateur de placement de transmettre les renseignements personnels sur la santé du patient ANS, sans son consentement, à l’établissement choisi.

Il est temps que la Commission ontarienne des droits de la personne fasse connaître publiquement son point de vue sur tout cela.

N’hésitez pas à partager la lettre ouverte ci-dessous qui a été envoyée à la Commission ontarienne des droits de la personne.

Le 25 août 2022

Madame Patricia DeGuire
Commissaire en chef
Commission ontarienne des droits de la personne
180, rue Dundas Ouest, 9e étage
Toronto (Ontario M7A 2G5

Madame,

Depuis trop longtemps, l’âgisme est considéré comme une forme mineure de discrimination.  Les grands-parents et les arrières grands-parents ont été poussés en marge de la société, qui leur montre, en paroles et en actes, qu’ils n’ont pas d’importance.  Le message dominant et omniprésent – ils sont vieux et ils vont mourir bientôt de toute façon.

Les aînés sont le seul groupe de la société, à l’exception des prisonniers, à être encore institutionnalisés en masse en vertu d’une loi de marginalisation systémique acceptée par la société.  Ils sont expédiés en masse dans des établissements de soins de longue durée, hors de la vue, hors de l’esprit, sans qu’on leur demande leur avis.

Madame Catherine Frazee, ancienne commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne, l’a résumé brièvement dans une récente publication conjointe de Seniors for Social Action Ontario et Community Living Ontario : « Une institution n’est ni un foyer ni un centre de soins. Une institution est un système clos où les problèmes de privation humaine et d’indigence sont gérés en vase clos, où les défaillances sociétales sont cachées et où les individus, comme nous le savons aujourd’hui, peuvent mourir par dizaines de milliers sans déclencher d’alarme. » [Traduction libre]

4 500 morts ou plus dans les établissements de soins de longue durée de l’Ontario en raison de la COVID – l’un des taux de mortalité les plus élevés de tous les pays de l’OCDE.  Chaque année, 22 000 résidents sur un peu plus de 70 000 meurent dans ces établissements, selon le témoignage de l’ancien sous-ministre des soins de longue durée, Richard Steele, à la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée.  Devons-nous croire que tous ces décès sont dus à des causes naturelles?

Des conditions de vie horribles ont été détaillées durant la pandémie, y compris dans le rapport de l’armée canadienne qui indique que certains résidents mouraient de déshydratation et de malnutrition, abandonnés dans des couches souillées.

En dehors de l’indignation initiale, rien de tout cela n’a déclenché d’alarme, que ce soit dans l’opinion publique ou dans les diverses sphères gouvernementales.

C’est dire à quel point leur vie a peu d’importance.

Des personnes qui ont travaillé dur, payé leurs impôts, élevé leurs enfants, soutenu leurs petits-enfants, donné d’innombrables heures de bénévolat à leurs communautés, ont été abandonnées comme des rebuts de la société face à la mort – souvent seules – durant une période où leurs êtres chers ne pouvaient pas leur rendre visite.  Et le système peut encore leur infliger une ordonnance d’intrusion si jamais elles se défendent trop vigoureusement.

Aujourd’hui, par l’entremise d’un acte flagrant de discrimination à l’encontre des personnes les plus vulnérables de la société, les patients ayant besoin d’un autre niveau de soins, dont la plupart sont âgés, sont qualifiés de « bloqueurs de lit ».  Le gouvernement provincial les cible en supprimant leurs droits avec l’adoption de son projet de loi 7, de sorte qu’ils puissent être plus facilement institutionnalisés – exclus, et séparés du reste de la société pour le seul crime d’avoir vieilli et d’être fragiles. À l’heure actuelle, ils n’ont nulle part où aller en raison de l’absence de services et de soutien pour eux dans leur communauté.

Les choses pourraient être différentes.

Au moment le plus vulnérable de leur vie, ils sont contraints de vivre entourés de personnes qu’ils n’ont pas choisies, dans un établissement où il leur faut un code pour ouvrir la porte de sorte qu’ils ne puissent pas s’échapper, potentiellement victimes d’abus, de négligence et de « chutes inexpliquées », et qui est dépourvu de plan de soins adéquat comme cela a été indiqué dans les nombreux rapports d’inspection.

Les personnes atteintes de démence sont dans des unités verrouillées – enfermées sans aucune procédure établie.  Beaucoup pourraient être soignées dans des maisons disposant du personnel nécessaire et situées dans les communautés, avec des ratios personnel/résidents plus élevés que dans les institutions, où les problèmes de comportement sont beaucoup moins susceptibles de se produire que dans un environnement clos, effrayant et excessivement contrôlé.  Le gouvernement de l’Ontario avait la possibilité de financer ces solutions de rechange plus humaines, mais il a préféré financer des institutions.

La Direction des inspections et des enquêtes reçoit plusieurs milliers de plaintes par mois, selon le témoignage de ses propres gestionnaires à la Commission d’enquête sur la COVID-19 dans les foyers de soins de longue durée. Et ces plaintes proviennent de personnes qui ont la capacité et les moyens de se plaindre. Nombre d’entre elles ne se plaignent jamais.

Le gouvernement de l’Ontario a accordé des milliers de lits, des contrats de 30 ans, à des sociétés qui ont les pires antécédents et qui font face à des recours collectifs intentés contre elles par les familles et les proches des personnes décédées.  Une importante société qui exploite des milliers de lits en Ontario a fait l’objet d’une enquête du ministère de la Justice des États-Unis et a dû payer des millions en dommages-intérêts dans plusieurs États. Ses établissements ont également été repris en Saskatchewan et elle n’est plus présente dans cette province. Et, pendant la pandémie, elle a dû être prise en charge par les hôpitaux de l’Ontario. Elle exploitait également un établissement dans lequel les conditions étaient tellement horribles que les militaires ont dû intervenir et documenter par la suite les conditions terribles qu’ils ont découvertes. Non seulement elle n’a pas eu à rendre des comptes publiquement comme cela s’est produit dans d’autres juridictions, mais le gouvernement provincial lui accorde de surcroît des centaines de lits supplémentaires.

Il s’agit des institutions dans lesquelles le gouvernement de l’Ontario veut maintenant remplir les lits en transférant, sans leur consentement, des personnes en vertu de son projet de loi 7.  Il s’agit également des institutions auxquelles le gouvernement veut que les coordonnateurs de placement des hôpitaux envoient les dossiers médicaux des patients ANS, sans leur consentement.

Les personnes âgées et en situation de handicap qui ont la malchance de se retrouver à l’hôpital ont nulle part où aller en raison de l’absence de services de soutien à domicile, en milieu communautaire et en résidence. Ces services leur permettraient pourtant de retourner dans leurs propres foyers ou communautés, au lieu d’être obligés de vivre dans ces institutions. 85 % de ces institutions, qui sont non conformes à la loi selon la SRC, sont exploitées par des sociétés qui ont dû quitter d’autres juridictions en raison de soins de qualité inférieure.

Le gouvernement de l’Ontario a utilisé six milliards de dollars, l’argent des contribuables, pour construire des institutions où personne ne veut vivre ni travailler.  Lors des dernières élections, il a déclaré qu’il investirait seulement un milliard de dollars dans les soins à domicile, principalement parce que les autres partis avaient déclaré qu’ils investiraient dans ce secteur.  Il n’a toujours pas indiqué publiquement de quelle façon il allait dépenser ce montant.  Le gouvernement a annoncé un financement six fois supérieur pour institutionnaliser les personnes dans l’alternative la plus restrictive par rapport au financement qu’il a alloué aux services de soutien à domicile, en milieu communautaire et en résidence – les solutions les moins restrictives que les personnes âgées et en situation de handicap disent vouloir. S’il veut libérer des lits d’hôpitaux, il devrait peut-être accorder ce financement à son Programme de soins spéciaux à domicile qui permet aux gens de rentrer chez eux avec un soutien adéquat,  ou à son Programme de soins à domicile gérés par la famille en supprimant les obstacles actuels à l’accessibilité pour les personnes atteintes de démence et leurs familles.

Si tout cela n’est pas de l’âgisme et du capacitisme, nous, les Seniors for Social Action Ontario (SSAO), ne savons pas par quel autre nom on pourrait l’appeler.

La Commission ontarienne des droits de la personne n’a répondu à aucune des demandes d’ouvrir une enquête publique sur l’institutionnalisation massive des aînés qui ont été faites par les Seniors for Social Action Ontario.  Tout en convenant qu’il y a des préoccupations en matière de droits de la personne, la Commission a déclaré qu’elle n’avait pas les ressources nécessaires pour ouvrir une enquête.

Quel autre groupe de la société est soumis à ce type de traitement? Si 4 500 membres, d’un autre groupe dévalorisé et marginalisé par la société, étaient abandonnés face à la mort, arbitrairement soumis à une institutionnalisation de masse qui équivaut à une incarcération sans application régulière de la loi, à qui le gouvernement aurait supprimé leur droit au consentement ainsi que la protection de leurs renseignements personnels sur la santé, la Commission leur répondrait-elle qu’elle n’a pas les ressources nécessaires pour lancer une enquête officielle?

Il s’agit d’une discrimination systémique.  Ce n’est pas une discrimination qui peut être traitée une tragédie à la fois par les tribunaux.

Les Seniors for Social Action Ontario demandent à la Commission d’aborder cette question.  L’âgisme n’est plus une « forme mineure de discrimination », si jamais elle l’a déjà été.  Il s’agit d’une forme de discrimination qui touche plusieurs dizaines de milliers d’aînés dans notre province – qui cible immédiatement au moins 1 300 patients ANS à qui le projet de loi 7 supprime les droits fondamentaux – des droits dont jouissent tous les autres individus et groupes de la société.

Le Canada est signataire de la Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies.  Les droits d’une personne n’expirent pas le jour où elle se retrouve en situation de handicap après 65 ans.  Les droits prévus par la Convention comprennent le droit de choisir où l’on vit, avec qui l’on vit, et de ne pas être arbitrairement privé de ce droit, et de recevoir des services et des soutiens dans la communauté pour promouvoir l’inclusion.

La Disability Rights Coalition et la Dalhousie Legal Clinic ont déjà présenté un cas de violation des droits de la personne en Nouvelle-Écosse où le gouvernement a été accusé de discrimination systémique à l’égard des personnes handicapées en les privant d’un accommodement raisonnable en leur refusant les services et les soutiens communautaires nécessaires pour empêcher leur injustifiable institutionnalisation.  Ce précédent ne devrait-il pas maintenant faire jurisprudence lors d’un prochain jugement en Ontario?

Les Seniors for Social Action Ontario demandent à la Commission de publier une déclaration officielle et publique concernant le projet de loi 7 du gouvernement de l’Ontario et ses répercussions sur les droits de la personne.

Les Seniors for Social Action Ontario demandent également, une nouvelle fois, que la Commission mène une enquête publique sur l’institutionnalisation massive des personnes âgées et en situation de handicap dans notre province.

Veuillez prendre ces mesures.  Des personnes en situation de handicap de tous les âges – jeunes et âgées – sont en danger aujourd’hui.  Les aînés et les personnes handicapées perdent maintenant des droits dont jouissent tous les autres citoyens.  Et plus de 70 000 d’entre eux sont actuellement exclus de leurs communautés et vivent dans des établissements qui continuent de ne pas respecter les exigences législatives.  Une telle situation ne devrait pas être permise dans une société civilisée.

Nous avons besoin de l’aide de la Commission ontarienne des droits de la personne.  Agissez, s’il vous plaît.

Veuillez agréer, Madame, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Cofondateurs et membres des Seniors for Social Action Ontario (SSAO)