Prospérité personnelle et justice sociale – pourquoi ces idéaux sont-ils si souvent polarisés? Peuvent-ils coexister? Pourquoi les politiciens s'opposent-ils à ce mariage alors que les syndicats unissent ces idéaux depuis des décennies?
Un fait (clé de l'avenir de l'Ontario) : une classe moyenne forte et qui grandit, composée de travailleurs qui ont de l'argent à dépenser, stimule la croissance et contribue à l'assiette fiscale.
Pendant des décennies d'édification du pays, le terme unité et non séparation était le credo en Ontario et au Canada. Paix, ordre et bon gouvernement étaient des valeurs dont nous étions tous et toutes fiers. Après tout, c'est grâce à elles qu’existent le système de soins de santé universel, le Régime de pensions du Canada, l'assurance-emploi et d'autres programmes sociaux, lesquels ont contribué à réduire nombre d’obstacles au succès de multitudes de gens.
Éducation, tolérance et innovation ont contribué à l'égalité des chances pour tout le monde. Ce n'était pas l'Utopie, mais les améliorations étaient claires. L'Ontario et le Canada avaient réussi à montrer un exemple de progression, et d'autres le suivirent plus tard.
Et puis soudain, le climat a changé. Avec leurs grands pieds, les entreprises sont arrivées sur le champ de bataille de la globalisation.
À prime abord, la globalisation semblait être une façon moderne de relever le niveau de vie de tout le monde. En ouvrant les frontières et en réduisant les règlements, la prospérité devait permettre de réduire les différences qui avaient conduit à des conflits. En partageant les richesses, paix et progrès devaient s’ensuivre. Ça avait l'air si simple!
Pourtant, quelque chose de vraiment sinistre se préparait. Et il y a environ 35 ans, le mouvement syndical s'en est aperçu. On s'est aperçu qu'en éliminant les obstacles et les règlements, on contribuerait à réduire les droits humains et la portée des lois sur le travail, des normes de santé et de sécurité et des mesures de protection de l'environnement. Au lieu de contribuer à améliorer la vie d'autres travailleurs, les travailleurs canadiens risquaient désormais de perdre des avantages durement gagnés issus de principes syndicaux, de mouvements sociaux et de luttes acharnées.
Les résultats parlent d'eux-mêmes. Tandis que les normes se sont légèrement améliorées pour les plus défavorisés dans le monde, elles ont piqué du nez au Canada.
Tandis que les syndicats et organisations de justice sociale continuent de lutter contre cette tendance, les médias et les débats politiques nous dépeignent souvent comme des individus et des groupes avides d'argent et tueurs d'emplois égoïstes. Nos dirigeants sont considérés comme des gros bonnets syndicaux plutôt que comme des dirigeants visionnaires.
La réalité, c'est que (d'après un rapport de Banques alimentaires Canada 2012) 882 188 Canadiens font régulièrement appel à des banques alimentaires, un chiffre qui a augmenté par rapport à l'année dernière. Cette réalité amère aliène une génération de jeunes déjà confrontés à de sombres perspectives d'emploi, tandis que leurs parents vieillissent dans l'incertitude financière. C'est une honte nationale. Le pire, c'est ce que tout cela n'était pas nécessaire.
Les gens sont facilement bernés par les messages d'entreprise. Et les médias, qui appartiennent à ces entreprises, amplifient ces messages. Les médias deviennent alors les défendeurs de partis politiques qui sont appuyés par les entreprises auxquelles ils appartiennent. Ces entreprises sont composées de riches individus ou de personnes qui ont des fonds à investir dans les organisations médiatiques. (Ce n'est ni vous ni moi, on dirait.) Trop souvent, une telle situation entraîne encore davantage de messages d'extrême droite. La démocratie est considérablement affaiblie.
Qu'avons-nous à espérer lorsque les politiciens offrent des nominations comme récompenses pour un travail bien fait? D'anciens journalistes deviennent conseillers politiques principaux, conseillers en relations médias, sénateurs, voire même gouverneurs ou lieutenant-gouverneurs généraux.
Qu'ont-ils fait pour mériter ces postes? Pas grand-chose. Ils se rallient à une ligne de parti, dictée par les sociétés, contre les principes de la justice sociale et de la prospérité personnelle qui ont historiquement fait de l'Ontario et du Canada des endroits où il fait bon vivre.
Ils impriment des gros titres et rédigent des discours basés sur des slogans accrocheurs, sinistres dans leur simplicité : « Faites plus avec moins », « Le gouvernement devrait fonctionner comme une entreprise », « Serrez vos ceintures » ou « Vivez selon vos moyens ».
Ces slogans d'entreprise sont issus de luxueuses salles de conférence d'où sortent tromperies et supercheries, nuancées pour susciter l'espoir, et qui ouvrent la porte à des écarts de revenus de plus en plus grands entre les riches et le reste de la société.
Le public a gobé une grosse partie de ce message. Des hommes et femmes d'affaires ont été élus à des postes publics pour avoir promis de transformer le gouvernement en privatisant, réduisant les effectifs, impartissant, réduisant les impôts et en coupant dans des services publics pléthoriques.
Et malgré cela, les déficits ont continué d’augmenter. Leur réponse : couper davantage dans le personnel de première ligne.
Imaginez un entonnoir tourné à l'envers. C'est ainsi que les entreprises et le gouvernement fonctionnent aujourd'hui. L'argent va presque entièrement aux gestionnaires, PDG et actionnaires, loin des clients et des travailleurs. Les travailleurs de première ligne se battent pour répondre aux besoins croissants de leurs clients, avec de moins en moins de ressources à leur disposition.
Voyons cela de plus près. En 1976, on comptait 830 800 employés au sein du secteur public en Ontario (selon Statistique Canada). En 2012, ce chiffre avait passé à 1,3 million. Au cours de cette même période, l'unité de négociation de la FPO du SEFPO a diminué, passant d'environ 80 000 à 39 000 personnes (emplois classifiés et non classifiés).
Aujourd'hui, le déficit de l'Ontario est le double de ce qu'il était en 1980, avec une unité de négociation de la FPO moitié moins grande.
Pourquoi? Parce que l'Ontario fonctionne désormais comme une entreprise. Le nombre de travailleurs qui fournissent les services baisse, tandis que le nombre de superviseurs, consultants, gestionnaires, sous-ministres adjoints, présidents et travailleurs d'agences privées explose.
Cela ne devrait pas être ainsi. Le gouvernement et ses services devraient profiter à tous les citoyens. Les gens d'affaires, concernés par leurs bénéfices, et leurs idéaux n'ont rien fait pour nous. La perte est aux dépens de la société. Confiance et équité ne sont pas leur fort.
Les grandes sociétés n'ont pas leur place au gouvernement. Ni les médias d'ailleurs. Cette relation confortable doit prendre fin.
Nous devons démontrer comment la prospérité et la justice sociale peuvent reconstruire une province plus forte et plus prospère. Les entreprises ne montreront pas la voie et ne fourniront pas la motivation nécessaire à la croissance axée sur l'équité, l'accès et l'équilibre. Nous avons besoin de politiques qui fonctionnent pour la société, et non pas contre!
Solidairement,
Warren (Smokey) Thomas
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