J'ai suivi avec intérêt votre présentation du budget 2014 pour l'Ontario. Une fois la performance terminée, je dois dire que j'étais impressionné. Tout comme l'a fait notre président Thomas, j'ai pris le temps de passer le document au peigne fin. Et c'est pourquoi nous ne sommes pas en mesure de vous féliciter (comme certains l'ont dit) pour le « budget le plus gauchiste qui soit depuis l'époque du Nouveau Parti démocratique de Bob Rae ». Pour un document politique, c'est une filouterie brillante. Même si vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps, 39 % des Ontariens ont été dupes assez longtemps pour permettre à votre parti de remporter la majorité des votes.
Votre parti a même échappé à l'examen de vos scandales chroniques, tandis que les électeurs stratégiques déboulaient sur les lieux de votre splendide nouveau « centre activiste ». En vous positionnant à la gauche du « Tea Party », vous avez fait payer les dividendes politiques aux conservateurs. Pendant ce temps, l'attaque des médias sur la position centriste occupée par le NPD n'a pas nuit à votre cause non plus. Tout à coup, un NPD progressiste sur le plan social et financièrement responsable était considéré populiste, même si les autopsies électorales identifiaient le centre comme un point de juste équilibre politique pour la plupart des Ontariens.
Au lieu d'un débat politique, c'est le cri de guerre suivant qu'on a entendu : « Arrêtez les conservateurs et leur assaut contre les services publics et les travailleurs du secteur public », même si la plupart des gens auraient dû réaliser que les conservateurs d'Hudak se tireraient eux-mêmes une balle dans la tête avec leur extrémisme. Bien des Ontariens ont vécu les années Harris et ils n'étaient pas prêts à revivre cette décennie de gâchis.
Ainsi, Monsieur le ministre, avec tout ce qui se passait, votre budget a échappé à l'examen qui était nécessaire. Si cet examen avait eu lieu, la vérité aurait éclaté au moment voulu, soit au moment des élections. Le fait est que ce budget est tout à propos de réductions… des réductions nécessaires pour payer les programmes que nous laissera la première ministre. Vos hypothèses décennales sont fragiles. Une crise suffirait à tout faire basculer.
De trésorier à trésorier, je vous le dis : vous avez tort de penser qu'une augmentation de zéro pour cent pour les travailleurs du secteur public conduira à la prospérité. C'est de leadership dont nous avons besoin, pas de stagnation au niveau des salaires. Un gel des salaires fait du tort aux travailleurs et à l'économie. Un gel des salaires est en fait une baisse salariale vu que le taux d'inflation continue d'augmenter, grignotant un peu plus encore sur ce que le dollar net nous permet d'acheter.
Avec un pouvoir d'achat réduit, les gens ont deux choix. L'un consiste à réduire leurs dépenses. L'autre à augmenter leur dette. Tous deux ont des résultats catastrophiques.
Pour ce qui est de la première option, disons que l'économie de l'Ontario est axée sur la consommation. Un revenu disponible inférieur se traduit par moins d'achats de biens et services, ce qui se traduit par une demande réduite des biens et services construits ou fournis par d'autres Ontariens, ce qui se traduit à son tour par une aggravation du chômage.
La deuxième option est tout aussi inquiétante. Pour garder la tête hors de l’eau, beaucoup de gens empruntent sur leurs marges de crédit. Une économie qui repose sur un crédit bon marché ne peut rivaliser avec une économie basée sur de bons emplois bien rémunérés et des augmentations salariales qui suivent le rythme de l'inflation. Tôt ou tard, il suffira d'un événement comme une hausse abrupte des taux d'intérêt pour tout voir s'effondrer.
Alors, qui souffre dans tout ça? Certainement pas les riches, car ils bénéficient de leurs prêts d'argent et de leurs investissements à l’extérieur de l’Ontario, tout en profitant d'un impôt provincial bas. Et encore moins les sociétés, lesquelles exploitent dans une province à faible fiscalité et pèsent sur la rétribution du travail et sur les avantages sociaux des travailleurs.
Ce sont les travailleurs qui souffrent dans tout ça. Contrairement à ce que croient les partisans de la théorie des miettes, l'argent bon marché n'a pas contribué à la création d'emplois ni à des emplois mieux rémunérés. Elle a plutôt contribué à une accumulation d'argent liquide, en prévision de la hausse des taux d'intérêt.
Le gel des salaires touche les recettes publiques. Les impôts dépendent des revenus. Monsieur le ministre, à quoi ressembleraient vos livres si tous les travailleurs de l'Ontario recevaient une augmentation salariale annuelle adéquate? Les rentrées d'impôt augmenteraient, tout comme la part de la TVH de l'Ontario. Ces travailleurs dépenseraient cet argent en Ontario, plutôt que de le thésauriser dans les banques et dans des fonds non productifs, comme le font les riches.
Le gouvernement peut être un employeur modèle. Vous avez le pouvoir de montrer la voie. De dire « non » aux salaires constamment en baisse et au gel des salaires. Vous pouvez donner le ton pour tous les travailleurs de l'Ontario. Envoyez ce signal de changement. C'est la bonne chose à faire.
Au lieu de cela, votre gouvernement suit une voie tout autre. Vous êtes peut-être pris dans le champ de force créé par Bay Street et ses investisseurs, qui se satisfont de salaires bas et d'emplois précaires pour la majorité des travailleurs. C'est bien ce que le marché boursier, actuellement à des niveaux records, semble indiquer.
Arrêtez de nous dire que le gel et les zéros sont bons pour l'économie. Parlez plutôt de salaires équitables. Un travail important vous attend. Et tandis que vous le faites, souvenez-vous que les travailleurs ont déjà payé le prix. Non accompagné d'un plan d'action, le mot « espoir » sonne bien creux. Pour juste quelque temps, accordez donc la priorité aux travailleurs.
Solidairement,
Eduardo (Eddy) Almeida,
1er vice-président/trésorier
Tous les messages du vice-président/trésorier de 2011 à aujourd'hui